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MALLARMÉ (Stéphane).

À celle qui est tranquille

[L'Angoisse].

Sans lieu ni date

[1866].

Manuscrit autographe, 1 page in-4 : maroquin vert de Devauchelle.

Précieux manuscrit autographe d’un sonnet paru dans le

P

arnasse

contemporain

en 1866.

Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, O bête

En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser

Dans tes cheveux impurs une triste tempête

Sous l’incurable ennui que verse mon baiser.

Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes

Planant sous les rideaux inconnus du remords,

Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,

Toi qui sur le néant en sais plus que les morts.

Car le vice, rongeant ma native noblesse,

M’a comme toi marqué de sa stérilité,

Mais tandis que ton sein de pierre est habité

Pas un cœur que la dent d’aucun crime ne blesse,

Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,

Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.

À l’origine, le sonnet s’intitulait :

À une putain

. Il parut sous le titre de

À celle qui est tranquille

dans

Le Parnasse

contemporain

en 1866, avant d’adopter le titre définitif de

L’Angoisse

. Ce dernier devait à l’origine couronner

l’ensemble des poèmes du

Parnasse contemporain.

“Cette variation sur le thème baudelairien de la femme-Léthé, médiatrice du néant, propose, après

l’enfouissement chtonien de “Renouveau”, une autre rêverie d’enfouissement : à la prostituée, sœur du poète

par sa stérilité, à celle qui a le privilège d’être tranquille parce que cet animal féminin n’a pas d’âme et se trouve

ainsi à l’abri de l’ennui et du remords, le poète […] ne demande pas le plaisir mais le

lourd sommeil sans songes,

image de ce

Néant où l’on ne pense pas

” (Bertrand Marchal, in

Mallarmé, Œuvres complètes

I

,

Bibliothèque de

la Pléiade, p. 1155).

La marque au crayon rouge indique qu’il s’agit du manuscrit utilisé pour l’impression.

Provenance :

Jacques Guérin

(V, 1988, nº 79).

(Graham,

Passages d’encre,

nº 86.)

20 000 / 25 000