Previous Page  157 / 360 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 157 / 360 Next Page
Page Background

155

Charles Frémanger avait signé un contrat avec Céline pour une réédition du

Voyage au bout de la nuit

au nom des éditions Froissart. N’ayant reçu aucun exemplaire en août, il signifie par recommandé à

l’éditeur le 19 septembre 1949 l’interdiction d’imprimer, éditer, mettre en vente le

Voyage

ou tout autre

de ses livres. En novembre 1950, il estimait que Frémanger avait vendu 20 000 exemplaires du

Voyage

sans lui verser aucuns droits.

Mais puisque de gré ou de force il faut que j’essaye de rattraper des sous, le seul

[…]

c’est l’édition à

l'étranger et la vente en clandestin. On m’y force. C’est simple. J’ai le couteau sur la gorge. Frémenger l’a

décidé. Tant mieux. Il y aura procès. Je lui ai offert de partager les dommages à 50 p. 100 s’il pouvait. Je ne

peux mieux faire, plus loyalement. Mais si je suis condamné à la saisie de tous mes biens présents et à venir je

ne vois pas très bien l’Etat reprenant mes livres à son compte !

” (L’écrivain fut condamné en févier 1950.)

“[…]

Si je suis un personnage si ignoble, si intouchable traître, qu’on me flétrit, interdit, frappe à jamais

d’indignité, faire commerce en même temps de mes livres, me paraît un peu gros ? Toujours est-il que le

clandestin me semble seul pratique dans mon cas.

[…]

Tout ça est bien moche.

Oh bien sûr que mes amis ont fait tout ce qu’ils ont pu. Mais je ne pouvais pas chanter leurs mérites et leur

puissance, c’était provoquer le mort à vivre, mouiller même le Parquet que l’on soupçonne de bienveillance.

[…]

Lucette t’embrasse, elle est bien vivement touchée par ton amitié si active, si sensible. Elle ne croit qu’ à tes

conseils. Pardon encore pour les fâcheux de tous poils qui te relancent – pour mon bien !

[…]

Tu as toujours

fait merveille. Tu sais tout ce que je pense. Bien sûr que Jonquières ne va pas faire époque ! Qu’il porte ses

sous. C’est tout. Et de même d’ailleurs pour le Voyage chez Frémenger

.”

Il évoque enfin un projet d’installation en Espagne.

Quant à l’Espagne ! c’est un « château ». Je voulais tâter Joulon. Pour montrer à Mik qu’on pouvait

tout de

même me recevoir en grande urgence ailleurs, que nous n’étions pas absolument à vie à ses crochets. Tu sais

dans notre cas c’est une miteuse diplomatie épuisante de chaque jour.

[…]”

(Céline,

Lettres,

Bibliothèque de la Pléiade, p. 1118.)

4 000 / 6 000