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CÉLINE (Louis-Ferdinand). [
Le Secret d’Etat.
]
Sans lieu ni date «Le 6»
. [janvier 1950 ?].
Scénario autographe signé
rédigé sous forme de lettre adressée
à Roland Petit.
12 pp. in-folio : adresse autographe pour retour de courrier, chez l’avocat de Céline «Mikkelsen
45A Bredgade», à Copenhague.
Précieux manuscrit autographe de Louis Ferdinand Céline, totalement inédit.
Il s’agit du synopsis d’un argument de ballet, destiné au chorégraphe Roland Petit (1924-2011)
à qui il est adressé : l’écrivain souhaitait confier le rôle principal à Arletty, comme il le dit
dans une lettre adressée à Albert Naud le 15 janvier 1950 : “J’ai agencé un grand scénario de
comédie ballet pour elle [Arletty] et Roland Petit où elle aurait un rôle de Sibylle devineresse.”
Ce
Secret d’Etat,
jeté sur la feuille en notations quasi télégraphiques, dépeint une suite de
tableaux historiques : Chez le Roi Dagobert, Henri IV à Courbevoie, Richelieu, Louis XIV,
Louis XV, Louis XVI, Napoléon Ier, Napoléon III, 1900, puis la Guerre 1914-1918.
On sait que le domaine de la danse passionnait l’écrivain, comme il l’avait expliqué dans
Bagatelles pour un massacre
(1937).
«Cher Ami
Vous savez j’ai trop l’ habitude de l’ horrible travail pour me payer d’idéââs – Les idéââs c’est de la
crotte. La réalisation seule compte. On ne peut rien faire en une année hélas ! A moins de travailler
en ?. Je vais tout de suite au en fait. J’ai le babillage en excécration.
Tableau et danse : j’ai aussi moi une ideâââ d’après votre lettre : titre. Le secret d’Etat.
Premier tableau : chez le roi Dagobert dans son château en bois à Clichy. On ne le sait pas – mais la
politique – bavardage – conciles – traités – intrigues etc … guerre même – conquête ce n’est rien.
Ce qui compte c’est pour chaque temps une danse. D’époque magique ? le Roi & le Secret. C’est la
raison d’Etat. Elle enferme dans un coffre. C’est le secret du Roi. Avec sa musique – ses figures –
Il demeure le secret aux sorciers – aux sorcières, et Archevêques archanges – aux sages. Il s’enferme
avec qq intimes. St Eloi. St Ouen. Pour répéter la danse qu’il faut – dont les notes sortent du coffre
de l’ombre - après incantations, bénédictions etc, sans cette danse sacrée, le royaume s’écroule
[…].
2
e
Tableau Richelieu. Bien énervé aussi. Les intrigues, décapitations, et luttes contre les Grands c’est
très joli mais la Danse d’Etat ?
[…].
Ils s’enferment – historique - avec qq voyous et tente de répéter
rejet les danses (tout crachant le sang) Il le faut ! avec castagnettes et costume de fou – historique.
3
e
Tableau Courbevoie – Rampe du Pont où Henry IV passant le guet
[sic]
faillit bien se noyer.
Intrigue de la ligue complot… Il
[?]
son sorcier avec lui et la danse sacrée dans un coffret. Tout
fout le camp… la flotte – on lance des sauveteurs repêcher le coffret. On le retrouve… repêche…
Les musiciens sont là aussi… Danse… danse de la Cour et de Sully Authentique
[…]
.
4) Pour danser la danse / il faut la danse indispensable à la continuité de l’Etat.
Louis XIV n’arrête pas de danser. La Voisin veut voler le secret d’Etat. A la cassette - et la Danse.
Rivalité entre Lulli et Molière. Ce propos. Les nobles intriguent. Louis XIV a soutenu son règne en
dansant. Quand il ne peut plus danser tout croule. Entrevue de Villard et du Roi – après les défaites
militaires… « On n’est plus heureux à notre âge » Louis XIV
[…].
Napoléon premier. Très entouré du destin, etc. Il cherche un secret d’État plus téméraire plus
tonique, exaltant. Il prend dans son secret la Danseuse du comte Saqui intime de la Cour.
Elle traverse la Seine au Pont Neuf. Un jour elle tombe de son haut. C’est la fin de l’Empire
la retraite : Russie.
Napoléon III. Sa femme – Eugénie – dansant toute petite – sur la table – famille castagnettes.
Un ambassadeur lui pelotant les mollets – historiques – le bruit des castagnettes
[?]
est un bruit
de révolution. Elle repousse Napoléon mais aussi le tient sous son charme l’envoûte le conduit au
pire. Elle danse dans la chambre à Compiègne Castagnettes avec qq fripons attachés à la perte
de Napoléon. La Raison d’Etat trahie par l’Espagnole…
[…]
Quelle[s] idéâââs ! 100 000 ! Hélas. Le dialogue aussi est à farcir et travailler. Quel boulot ! Je
vous en laisse tout le soin. Ou à l’autre bigre. J’ai pour ma part tant à faire à finir mon ours. Je suis
fort malade. Et puis votre hâte m’épouvante. Faites attention aux bavards. Les écrivains en général
n’ont pas du tout le sens du muscle, du mouvement, de la danse. Ils pèsent des tonnes de phrases
chacun dont ils veulent absolument se débarrasser.