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LIGNE, Charles Joseph Lamoral, prince de.
Lettres et Pensées,
publiées par Mme la baronne de Staël-Holstein.
Paris et Genève, J.J. Paschoud, 1809.
In-8 de XIII, 333 pp. ; veau fauve marbré, dos à nerfs, compartiments ornés d’un N couronné
et entouré de laurier, filet et roulette encadrant les plats, armes de l’empereur Napoléon I
er
frappées
au centre, coupes et bordures intérieures décorées, tranches marbrées
(reliure de l’époque).
Édition originale.
Naissance d’un écrivain européen.
Publié au début du mois de février 1809 et tiré sur papier vélin, ce florilège a été conçu et
préfacé par Mme de Staël, qui retint notamment les lettres adressées à la marquise de Coigny
sur le voyage en Crimée à la suite de Catherine II et sur la guerre contre les Turcs.
“C’est à juste titre que Mme de Staël a publié ces lettres dans son anthologie de 1809, les
complétant par un portrait tracé par Ligne du ministre et favori de l’impératrice, Potemkine,
extrait d’une lettre au comte de Ségur. Germaine avait dressé un tombeau à ce qu’elle avait le
plus aimé dans l’Ancien Régime français, ce qu’elle aurait voulu à tout prix, comme Stendhal,
faire passer dans le nouveau régime à l’anglaise des Modernes : le charme des hommes et des
femmes d’esprit” (Marc Fumaroli).
Général autrichien, grand seigneur wallon à peu près ruiné par la Révolution, le prince de Ligne
s’était retiré à Vienne. Il avait près de soixante-treize ans quand il rencontra Mme de Staël.
“L’expérience européenne du prince, sa connaissance des peuples, des soldats et des
cours apprirent beaucoup à Mme de Staël qui, de son côté, découvrit que le prince écrivait.
D’un fatras perdu dans la poussière chez un éditeur à Dresde, elle tira un petit livre qui procura
la gloire littéraire au prince écrivain” (
Madame de Staël et l’Europe
, Bibliothèque nationale, p. 97
et nº 388).
Dans une lettre adressée à Mme de Staël à la fin du mois de février 1809 (conservée dans les
archives du château de Broglie), le prince de Ligne laissa éclater sa joie ; son livre, publié peu avant,
rencontrait un succès inouï – à tel point que pas moins de trois éditions se succédèrent la même
année. Un écrivain était né, qui n’avait alors publié que sous le voile de l’anonymat : “Le nom et
le titre de Ligne, avoués cette fois clairement, firent ainsi leur entrée officielle dans la littérature,
et du vivant de l’auteur” (Marc Fumaroli).
Exemplaire unique relié à l’époque pour l’empereur Napoléon I
er
,
avec ses armes dorées sur les plats.
Il porte en outre le chiffre couronné et doré de l’Empereur au dos et le timbre de la Bibliothèque
impériale sur le titre.
La provenance impériale pour cet ouvrage publié par Mme de Staël est d’autant plus remarquable
que la haine de l’Empereur envers la fille de Necker remontait à près de dix ans déjà quand
parurent les
Dernières vues de politique et de finance par M. Necker ;
fureur du Premier consul qui s’écria :
“Jamais la fille de M. Necker ne rentrera à Paris.” Et lorsqu’en 1803 parut
Delphine
, Bonaparte
fustigea le roman, jugeant qu’il s’agissait de “métaphysique de sentiments, du désordre d’esprit”,
ajoutant : “Je ne peux pas souffrir cette femme-là…”
Mme de Staël
en livrée
impériale