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Livres et Manuscrits

RTCURIAL

14 juin 2017 14h. Paris

82

Antoine de SAINT-EXUPÉRY

1900-1944

Aquarelle originale utilisée

pour l’illustration du Petit Prince

[Eatons Neck (Northport, NY),

été-automne 1942].

Encre brune et aquarelle ocre, brune et

rouge, avec quelques traits de crayon

noir, sur une feuille de papier pelure

(27,8 x 21,4 cm) montée sur carton.

Exceptionnelle aquarelle originale

d’Antoine de Saint-Exupéry utilisée pour

l’illustration du

Petit Prince

.

La genèse de cette œuvre universelle est

bien connue même si les spécialistes

hésitent encore sur quelques détails.

Installé depuis peu à Eatons Neck,

près de Northport (NY), en compagnie

de Consuleo, Antoine de Saint-Exupéry

écrit un conte pour enfants durant l’été

et l’automne 1942, sur les conseils de

l’un de ses éditeurs new-yorkais, Eugene

Reynal ou Curtice Hitchcock. Or, non

seulement il écrit les aventures de ce

« petit bonhomme [qu’il] porte dans le

cœur », mais il les illustre tant est

forte pour lui la complémentarité - la

« symbiose » pour reprendre le juste

mot employé par Michel Autrand - entre

l’écriture et le dessin. Si bien qu’une

aquarelle telle que la nôtre n’est

pas un simple complément du texte mais

est inhérente à celui-ci et doit être

regardée comme telle, à l’égal d’un

fragment du manuscrit original…

Prévue pour les fêtes de Noël 1942, la

parution du

Petit Prince

n’eut lieu

que le 6 avril de l’année suivante.

L’édition originale fut imprimée en

langue anglaise et en langue française,

respectivement à 525 et 260 exemplaires,

qu’Antoine de Saint-Exupéry eut tout

juste le temps de signer ou de dédicacer

puisqu’il prit la mer quelques jours

plus tard dans un convoi américain pour

rejoindre l’Afrique du nord et ne revint

jamais aux États-Unis.

La Morgan Library conserve aujourd’hui

le manuscrit original du

Petit Prince

et

un ensemble de dessins préparatoires en

majorité aquarellés. Elle eut l’occasion

de les acquérir en 1968 auprès de

Silvia Hamilton-Reinhardt à laquelle

l’écrivain les avait donnés avant son

départ d’Amérique. Les aquarelles

définitives, quant à elles, revinrent

à Eatons Neck après leur passage chez

les éditeurs Reynal et Hitchcock, et

furent vraisemblablement montées sous

des passe-partout qu’Antoine de Saint-

Exupéry signa avant son départ. C’est

du moins ainsi que se présentent les

très rares aquarelles définitives qui

ont circulé ces dernières décennies.

Ainsi, lorsque Gaston Gallimard prépara

en 1945 la première édition française du

Petit Prince,

il dut se résoudre à faire

copier les illustrations des éditions

américaines puisqu’il n’avait pas accès

aux originaux restés outre-Atlantique.

On sait que lorsque Consuelo rentra

en France, en 1946, elle rapporta

ces précieuses aquarelles parmi tous

les souvenirs qu’elle avait conservés

de son mari.

L’aquarelle que nous présentons, peinte

sur une feuille de papier pelure

Esleeck Fidelity Onion Skin

, est celle

qui a servi à l’illustration de la page

71 de l’édition originale.

Elle y est reproduite dans des couleurs

différentes, ce qui laisse à penser

que les éditeurs, avec sans doute

l’assentiment de l’auteur, modifièrent

ici, et certainement à d’autres

reprises, les coloris originaux des

aquarelles sans toucher au dessin à

d’insignifiants détails près.

Elle fut peinte par Antoine de Saint-

Exupéry pour illustrer un passage situé

plus en amont, au chapitre XX, au moment

où le Petit Prince découvre amèrement

« un jardin fleuri de roses » semblables

à la sienne :

Puis il se dit encore « Je me croyais

riche d’une fleur unique, et je ne

possède qu’une rose ordinaire. Ça et

mes trois volcans qui m’arrivent au

genou, et dont l’un, peut-être, est

éteint pour toujours, ça ne fait pas

de moi un bien grand prince… » Et,

couché dans l’herbe, il pleura.

On trouve au bas de la feuille des

indications techniques :

«

- 61/2

- »

et « p 71 ».

Papier légèrement froncé. Traces

anciennes de colle dans le quart

inférieur de la feuille et dans les

marges de droite et supérieure. Petite

épidermure touchant une main du Petit

Prince et la fleur qui la jouxte.

Épidermure dans le coin supérieur droit

avec petits trous.

On joint le fragment du passe-partout

original portant la signature d’Antoine

de Saint-Exupéry.

Provenance :

Succession de Consuelo de Saint-Exupéry

Vente anonyme (Londres, 9-10 décembre

1985, n° 675)

Resté depuis dans la même collection

92 000 - 110 000 €

Antoine de Saint-Exupéry

Le Petit Prince

. 1943, p. 71