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Livres et Manuscrits
RTCURIAL
14 juin 2017 14h. Paris
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Antoine de SAINT-EXUPÉRY
1900-1944
Lettre autographe signée
à Silvia Hamilton
[New York, 1942-1943 ?].
3 p. in-4.
Superbe lettre d’Antoine de Saint-
Exupéry à Silvia Hamilton, en grande
majorité inédite.
Dans ces pages poignantes, Saint-Exupéry
explique comment l’accident qui vient
d’arriver à son épouse lui a révélé à
la fois, la force de son attachement
pour celle-ci, et une contradiction
désarmante entre son tendre devoir
envers Consuelo et la tendre inclination
qui l’oriente vers Silvia.
« Sylvia il s’est passé avant-hier
quelque chose d’affreux. Ma femme s’est
fait attaquer dans la rue en rentrant
chez elle. Pour lui voler son sac on
l’a assom[m]ée d’un coup sur la tête.
Je l’ai retrouvée très malade et depuis
quarante huit heures je n’ai pas bougé
d’auprès de son lit.
Ce ne sera sans doute pas très grave.
Cependant je meurs d’inquiétude. Je ne
puis ni dormir ni manger. Je me déchire
au-delà de toute mesure. Je n’en puis
plus. Je vais te dire Sylvia quelque
chose qui te fera mal […] : j’ai compris
que si ma femme avait été tuée je
n’aurais plus pu vivre. J’ai compris la
profondeur de ma tendresse pour elle.
Vois-tu Sylvia on se connaît mal.
Les petits froissements de la vie
quotidienne, les disputes sans
importance, les rancunes de surface
empêchent de lire clairement en soi
les sentiments forts. Mais ce matin,
t’écrivant de ma chambre tandis que dans
la pièce voisine celle qui a beaucoup
de torts mais qui est ma femme lutte
contre le mal, de son faible souffle
dans l’obscurité, je me sens tout à coup
prodigieusement responsable d’elle
comme un capitaine de navire. […]
Peut-être me haïras-tu de te dire ça.
Ce sera bien injuste. Je t’ai toujours
dit honnêtement la vie de mon cœur, de
mon esprit, de ma chair. Tu as tout su
et tout compris, toujours. […] Sur ma
vie je te jure que je n’ai pas triché,
jamais. Je ne t’ai jamais menti, Sylvia.
J’ai éprouvé pour toi une tendresse
immense. Plus certaine que tu ne l’as
cru. Sans doute n’était-ce pas l’amour.
Mais ça n’enlevait rien de sa force. Ce
qui causait mes absences, mes silences,
mes tensions, mes disparitions, tout ce
que tu m’as toujours si fort reproché,
ç’a été que la force des choses
faisaient entrer cette tendresse, ce
désir aussi que j’avais de toi, en
litige avec mon devoir de capitaine de
mon navire. […]
Sylvia mon petit si je n’ose pas
téléphoner c’est par panique. J’aurais
tant besoin de ton aide, de ta
compréhension, de ton amitié et j’ai
peur d’entendre de toi des paroles qui
augmenteront mon désarroi. »
Provenance :
Silvia Hamilton-Reinhardt (vente à
Paris, le 20 mai 1976, n° 52)
Resté depuis dans la même collection
Bibliographie :
Antoine de Saint-Exupéry, Œuvres
complètes, II, éd. M. Autrand et M.
Quesnel, Bibliothèque de la Pléiade,
2009, p. 924-925, n° 5 (citation très
partielle)
8 000 - 10 000 €
Antoine de Saint-Exupéry & Silvia Hamilton