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Marcel MORÉ
1887-1969
Journal inédit : copie carbone de
dactylographie, raturée, corrigée et signée
[Paris, vers 1939-1941 ?]
2110 p. sur 2110 f. (27,3 x 21,3 cm) en
feuilles
Polytechnicien, fondé de pouvoir d’un
agent de change, écrivain, musicien,
théologien, Marcel Moré fut « l’un des
grands acteurs de la vie intellectuelle
de notre pays » (Jean Ristat), mais un
acteur qui, n’occupant pas le devant de
la scène, est aujourd’hui passablement
oublié. Il fut pourtant membre du comité
directeur d’
Esprit
et anima, avec
Louis Massignon, la revue
Dieu vivant
dont le “cosmopolitisme” intellectuel
correspondait si bien à ce catholique,
disciple de Bloy et ami de Bataille,
Queneau, Leiris ou Klossowski, une «
sorte de mage [qui touchait] à la fois à
Dieu et au diable » (Jean Lacouture).
De l’œuvre de Moré - une dizaine
d’ouvrages - on retient principalement
son
Très Curieux Jules Verne
(1960),
un essai de psychologie vernienne dans
lequel il s’ingénie à décrypter les
Voyages extraordinaires
pour mettre au
jour la personnalité de leur auteur.
Cependant, à lire la dactylographie
que nous présentons, on peut penser
que l’œuvre principale de Marcel Moré
est encore à paraître (quelques courts
fragments, pour les années 1934-1937,
en furent publiés d’après des notes de
Raymond Queneau en annexe de l’édition
de ses propres
Journaux
, chez Gallimard,
en 1996). Jean Ristat rappelle ainsi
l’existence de ce journal dans un
article publié dans
L’Humanité
le 22
février 2005 (repris depuis dans
Qui
sont les contemporains, II
) : « Moré
écrivait chacune de ses rencontres,
scrupuleusement dans le moindre détail.
Ce journal intime est une source
incomparable pour l’histoire des idées
du XX
e
siècle. Il faut absolument qu’un
éditeur s’y intéresse. Sa perte serait
irréparable. »
Dans la longue « lettre-préface »
introduisant son journal (4 p. portant
chacune la mention autographe signée
« Paris, le 18 septembre 1941 ») Moré
présente les différentes phases de la
rédaction de celui-ci : « Mes premières
notes remontent à l’année 1922. J’avais
alors 37 ans. J’éprouvais le besoin
pressant de communiquer à d’autres une
expérience religieuse qui me paraissait
extrêmement complexe et riche, mais
aussi singulièrement douloureuse. […]
Il y a trois ou quatre ans, il me vint
un jour à l’idée, en guise de passe-
temps, de relire les premières ébauches
de mon journal. Elles me produisirent
l’effet d’un véritable grimoire d’une
lecture fort laborieuse pour moi-même,
et à plus forte raison incompréhensible
pour des étrangers. […] Je résolus de
procéder à une nouvelle rédaction de ce
texte défectueux, afin d’en faciliter
la lecture et la compréhension, et en
même temps je m’efforçais de combler
quelques-uns des vides existants. Ceci
explique l’état présent de mon Journal :
d’une part, le manuscrit original,
comprenant plus de cinquante cahiers
écrits à la main, allant jusqu’au
30 septembre 1939, les premières
feuilles de 1922 se trouvant d’ailleurs
simplement collées dans l’un d’eux, et
aussi, à partir du Ier Octobre 1939, des
pages directement tapées à la machine ;
d’autre part, la mise au net entièrement
dactylographiée, et qui à la date où je
rédige cette lettre, va jusqu’à la fin
de l’année 1937. »
La version, manifestement incomplète,
que nous présentons ici, sous la forme
d’une copie carbone de dactylographie,
raturée et corrigée par l’auteur à de
nombreuses reprises au crayon noir ou à
l’encre, avec une pagination discontinue
et parfois incohérente, est distribuée
ainsi sur plus de 2 000 pages :
28 mai-27 juillet 1922 ; 21 novembre
1923 ; 19 juillet-25 décembre 1924 ; 2
février-25 décembre 1925 ; 5 janvier-20
décembre 1926 ; 3 janvier-31 décembre
1927 ; 1928, 1929, 1930 et 1931 (années
complètes) ; 1
er
janvier-30 décembre 1932 ;
1933, 1934 et 1935 (années complètes) ;
1
er
janvier-16 décembre 1936 ; 1937
(année complète) ; 1
er
octobre-31
décembre 1939 ; 1940 (année complète) ;
5-31 décembre d’une année indéterminée
(on notera que les premières années sont
bien moins développées que les dernières ;
ainsi, l’année 1940 occupe cinq fois
plus de pages que l’année 1928).
Malgré le soin que Marcel Moré avait
pris pour détailler, au début de sa
« lettre-préface », les modalités
de transmission après sa mort des
différentes versions de ce texte,
on ignore ce qu’elles devinrent à
l’exception de la nôtre.
Dans les années 1970, le journal de
Moré aurait été proposé en vain à des
éditeurs, peut-être par l’intermédiaire
de son ami Raymond Queneau. On ne peut
donc qu’espérer, comme Jean Ristat, que
cette publication soit un jour menée à
bien…
Provenance :
- ancienne collection de Bernard
Poissonnier qui fit don à la
Bibliothèque nationale de France d’un
très important fonds de manuscrits de
Guillaume Apollinaire
Bibliographie :
Digraphe
, n° 86-87 (« Le Très Curieux
Marcel Moré »), 1998
Pliures ; quelques taches, salissures et
piqûres ; quelques traces de mouillure ;
quelques déchirures marginales
atteignant le texte
3 000 - 5 000 €