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Les manuscrits les plus achevés de

Georges Trubert appartiennent à sa

période lorraine. Son style se caractérise

par une large palette de couleurs rares et

acides (alliant un rouge-orangé intense,

deux jaunes et deux verts respectivement

clairs et foncés, un azur de lapis-lazuli et

un bleu-ardoise, un rose pâle, un mauve

intense et un grenat foncé), et l’usage du

camaïeu d’or et de la grisaille. L’encadre-

ment de ses compositions fait preuve de

recherche : outre l’architecture antiqui-

sante de la Renaissance italienne, il utilise

volontiers des combinaisons originales,

close-up

: une mise en page destinée à

rapprocher affectivement la représentation

peinte de celui qui la contemple, et à

favoriser sa méditation (Ringbom, 1965).

Reynaud relève que « Trubert pousse la

formule à son extrême, remplissant tota-

lement la surface peinte par les demi-fi-

gures cadrées au plus juste, éliminant au

maximum les éléments anecdotiques du

décor ou de paysage et les personnages

annexes, insistant sur le jeu des regards

et des mains… » (Reynaud, 1993, p. 384).

Outre une probable formation parisienne,

le style de Georges Trubert semble à l’évi-

dence influencé par un autre peintre de

René d’Anjou, Barthélemy d’Eyck, auquel

il emprunte notamment le lourd drapé

des vêtements.

Le présent livre d’heures est à rapprocher

d’un ensemble cohérent de manuscrits

réalisés par Georges Trubert pendant sa

période lorraine, sous l’influence de l’en-

luminure du Nord, dite ganto-brugeoise.

Reynaud (1993) suggère que Philippe de

Gueldre, l’épouse de René II de Lorraine,

a sans doute apporté des ouvrages et

manuscrits de ce courant artistique, ayant

été élevée à la cour de Bourgogne. On

relèvera aussi l’influence d’artistes tels

Simon Marmion qui affectionne aussi les

cadrages à mi-corps. Parmi ces manuscrits

datant de la période lorraine du peintre

Georges Trubert, on compte : R. Esmérian.

Vente Paris, Galliéra, 6 juin 1972, no. 5 :

« Heures de René II de Lorraine » (locali-

sation actuelle inconnue) ; Heures de Jean

de Chasteauneuf (Paris, BnF, n.a.l. 3210 ;

voir notice Reynaud, 1993, no. 217, daté

circa 1493) ; Heures (Waddesdon Manor,

ms. 21) ; Bréviaire (Paris, Bibliothèque de

l’Arsenal, ms. 601) ; Bréviaire (Paris, Petit

Palais, ms. Dutuit 42) ; Diurnal (Paris, BnF,

lat. 10491). Les présentes Heures sont

évoquées par Reynaud (1993, no. 217).

On notera l’association de Trubert dans

les présentes Heures avec un peintre

parisien (qui peint trois miniatures). Il est

intéressant de noter que Trubert s’associe

volontiers avec des peintres autres pour

réaliser les cycles d’enluminures des

ouvrages : citons par exemple des Heures

à l’usage de Troyes peintes pour partie

par Georges Trubert (12 miniatures) et par

Jean Colombe (5 miniatures) (Londres,

Christie’s, vente 28 novembre 2001, lot 18).

telles des branches écotées liées entre

elles : dans les présentes Heures, Trubert

encadre deux miniatures avec des bandes

obliques de couleur, osant les rayures

(ff. 61 et 82). Ses personnages présentent

une physionomie particulière, avec leurs

yeux écartés longuement étirés sur les

tempes. Les femmes portent les cheveux

flottant sur les épaules, leur visage vu de

trois-quarts est légèrement incliné. Les

figures sont souvent situées au premier

plan, vues à mi-corps dans un cadrage

resserré, en vertu de ce que l’historien

d’art Sixten Ringbom a nommé le

dramatic

les collections aristophil

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