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les collections aristophil

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FLAUBERT GUSTAVE (1821-1880)

Lettre autographe signée « Ton… »

adressée

à sa maîtresse Louise COLET

[Croisset] Vendredi soir 1h. [« 15 juillet 1853 » (de la main

de Louise Colet)], 4 pages in-4 à l’encre, enveloppe avec

cachet de cire rouge à son chiffre. (Quelques tâches aux

angles).

15 000 / 18 000 €

Superbe et longue lettre à sa maîtresse sur le génie et sur

Madame

Bovary

.

« Tandis que je te reprochais ta lettre, bonne chère Muse, tu te

la reprochais à toi-même. Tu ne saurais croire combien cela m’a

attendri. Non à cause du fait en lui-même. J’étais sûr que considérant

la chose, à froid, tu ne tarderas pas à la regarder du même œil que

moi - mais à cause de la simultanéité d’impression.

Nous pensons à l’unisson [...] Si nos corps sont loin nos âmes se

touchent. La mienne est souvent avec la tienne va, il n’y a que dans

les vieilles affections que cette pénétration arrive. On entre ainsi l’un

dans l’autre à force de se presser l’un contre l’autre. As-tu observé

que le physique même s’en ressent, les vieux époux finissent par se

ressembler ? [...] On nous prend souvent BOUILHET et moi pour frères.

Je suis sûr qu’il y a dix ans cela eût été impossible. L’esprit est comme

une argile intérieure, il repousse du dedans la forme & la façonne

selon lui. Si tu t’es levée qqfois pendant que tu écrivais, - dans les

bons moments de verve, quand l’idée t’emplissait - & que tu te sois

alors regardée dans la glace, n’as-tu pas été, tout à coup, ébahie de

ta Beauté ? Il y avait comme une auréole autour de ta tête, & tes yeux

agrandis lançaient des flammes. C’était l’âme qui sortait. (L’électricité

est ce qui se rapproche le plus de la pensée ? Elle demeure comme

elle, jusqu’à présent, une force assez fantastique ? Ces étincelles qui

se dégagent de la chevelure, lors des grands froids, dans la nuit, ont

peut-être un rapport plus étroit que celui d’un pur symbole, avec

la vieille fable des nimbes, des auréoles, des transfigurations ?) [...]

Quel artiste donc on serait si l’on n’avait jamais lu que du beau, vu