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les collections aristophil

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FLAUBERT ACHILLE (1813-1882)

Lettre autographe signée adressée à Jules CLOQUET

S.l., 17 janvier 1860, 3 pages in-8 à l’encre bleue

sur un double feuillet de papier vélin.

1 000 / 1 500 €

Lettre autographe signée adressée par Achille Flaubert, frère de

Gustave, à l’anatomiste et chirurgien français Jules Cloquet : « Cher

et excellent maître, Un mot de ma mère qui nous parvient ce matin

nous apprend que Gustave a été repris de ces accidents d’autrefois

et qu’en tombant il s’est blessé à la face. Tout cela me paraît assez

singulier et quelle est la vérité ? Est-il bien réel que les accidents

épileptiformes soient revenus ? Ce serait désolant après une guérison

apparente aussi prolongée. Gustave d’ailleurs, fait tout ce qu’il peut,

par sa manière de vivre, pour les faire reparaître. Il fait de la nuit le

jour, des excès de travail, une surexcitation continuelle et que soit

enfin la nature de l’accident qu’il a éprouvé, dites-la moi et quand il

sera guéri ou remis sermonnez-le d’importance à ce sujet ; il vous

aime beaucoup et a comme nous tous grande confiance en vous,

peut-être vous écoutera-t-il avec profit pour lui. Soyez assez bon pour

me répondre à ce sujet et me dire aussi ce que vous pensez de ma

mère. Mille pardons, mon cher maître, de vus importuner ainsi, mais

vous êtes si bon pour nous que je n’ai pas hésité à m’adresser à vous

pour avoir des renseignements que vous seul pouvez me donner […] ».

Rare document attestant de l’épilepsie de Gustave Flaubert de

son vivant.

Achille Flaubert (1813-1882) était le frère ainé de Gus-

tave. Comme son père, à qui il succéda à la tête de l’Hôtel-Dieu de

Rouen, il fut chirurgien. Les deux frères eurent leur vie durant des

relations plutôt distantes. Jules Cloquet (1790-1883) était également

chirurgien et fut l’un des premiers membres de l’Académie nationale

de médecine. Il avait été l’élève du père de Flaubert et fut le maître

d’Achille. En 1840, il fit un voyage avec Gustave dans les Pyrénées et

en Corse. Flaubert avait pour lui du respect et de l’amitié. Gustave

Flaubert fut toute sa vie victime de crises d’épilepsie.

Ce n’est qu’après la mort du romancier que Maxime Du Camp, dans

ses Souvenirs littéraires, révéla la nature de ses crises, n’hésitant pas

à conclure : « Gustave Flaubert a été un écrivain d’un talent rare ;

sans le mal nerveux dont il fut saisi, il eût été un homme de génie. »

Guy de Maupassant, réagissant à cette publication rappela le secret

qui, pendant la vie de Flaubert, avait entouré cette maladie : « Gus-

tave Flaubert, on le sait aujourd’hui, était atteint d’un horrible mal,

l’épilepsie, dont il est mort. Tous ceux qui connaissaient ce secret,

l’avaient soigneusement caché ; et quand des étrangers s’étonnaient

que jamais le maître ne voulait regagner seul sa maison pendant la

nuit (pas même en fiacre), nous ne leur racontions point les pro-

fondes angoisses du grand écrivain qui celait son tourment comme

une honte, avec une pudeur maladive. » L’événement auquel Achille

Flaubert fait allusion est la chute que fit son frère dans la rue en

rentrant chez lui, le 15 janvier à Paris. Dans ses lettres des jours qui

suivent, Flaubert cache soigneusement la vraie nature de l’accident.

À Jeanne de Tourbey, le 21 janvier : « Dimanche au soir j’ai failli me

tuer en tombant devant ma porte, et je suis encore tout hideux des

coups que je me suis donnés à la figure. »