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vérité c’est qu’il est partie en Suisse avec Jo non pour faire des affaires pour moi comme il le dit, mais pour Jo et pour faire leurs salopris
la bas car Jo connait beaucoup des pederace la bas ». Elle reproche à Jo d’avoir empoché une avance de 80.000 sur la tournée belge :
« toute ceci me fatigue plus que mon travail, nous avons refuser du monde pendant les dernière 10 jours, les gens crier dans la salle
de bonheure c’été un success fou tu sais, reelement fou ». Elle signe « Ta sœur Joséphine »...
Bruxelles
. Le triomphe se prolonge, mais
malgré cela elle a toujours de gros ennuis d’argent, et le cœur bien gros : elle en veut à Jo Bouillon qui, alors qu’elle était aux Mirandes
et qu’il venait la chercher à Bordeaux, a fait le trajet avec un « ami » : sa secrétaire a retrouvé la facture d’une luxueuse chambre d’hôtel,
avec 2 repas, etc., que Jo a partagé avec cet ami dont il ne lui avait jamais parlé, et qu’il laisse à Joséphine le soin de payer : « voilà les
histoires qui continues avec les hommes. Mais qu’il fait ce qu’il veux mais ce que je n’aime pas c’est que c’est moi qui paye ces rendez-
vous galant [...] je t’assure c’est pas drole mais patience, toute dans la vie s’arrangera certainement »...
25 février
. Elle est désolée des nouvelles de « papa » (M. Abatino père) : « malgré qu’il m’aime pas et que ma belle-mère m’aime pas
non plus […] moi qui ne rêve que de rester tout pret de lui comme une fille véritable » ; Christina sait « combien je été fidele et sincere
à eux » ; elle ne pensait qu’à travailler « pour qu’il puisse avoir du bonheur. Et malgre cela, je suis pour eux une ennimie (il mordre la
main qui leur donne à manger) »... Elle se plaint de ses soucis d’argent, et de Jo, qui devrait « être gentille, fidèle et ne plus me rendre
ridicule avec ses hommes »... Elle espère que le contrat avec la Scandinavie va pouvoir s’arranger…
[
Rome
]
5 mai 1950
. Longue lettre dactylographiée dans laquelle elle envisage la possibilité d’un divorce. Elle a fait comprendre à
Christina la gravité de la situation, et veut mettre tout à plat pour envisager sérieusement cette solution du divorce, à long terme.
Elle fait le point sur les impôts, les frais généraux (en particulier pour Les Milandes), ses comptes suite à la tournée, qu’il ne faut pas
communiquer à Jo, etc. Elle souligne l’attitude sarcastique de son mari, qui joue les époux délaissés et incompris, tout en se moquant
d’elle, et en l’acculant à cette situation terrible. Elle veut mettre à plat l’état de ses finances, avec l’aide de sa chère Christina, à qui elle
demande de mettre ses bijoux au coffre. Elle veut que tout soit examiné par ses conseillers fiscaux et ses avocats...
59. [
Joséphine BAKER
].
Ginette
RENAUDIN
,
habilleuse de Joséphine Baker. 129 L.AS. « Ginette »
, 1950-1956,
à ses
parents ; plus de 350 pages formats divers, nombreux en-têtes d’hôtels (quelques fentes et petits défauts).
1 000/1 500
T
rès
intéressante correspondance de
la
fidèle habilleuse de
J
oséphine
B
aker
, qui offre de précieuses informations sur l’intimité et les
voyages de la vedette, le rythme soutenu des tournées, ses tenues de scène ou de soirée, mais aussi sur la vie en tournée, les rapports
de Joséphine avec ses employées, etc. Nous ne pouvons en donner qu’un rapide aperçu.
P
remière
tournée
mondiale
, mars 1950-juillet 1951.
Anvers 3-5 mars 1950
. Début de son embauche lors de représentations en
Belgique : Joséphine semble enchantée ; Ginette parle de ses conditions de travail, très agréables, du grand succès de Joséphine,
etc. La tournée européenne se poursuit en Hollande (9 mars) où Joséphine, très contente, remporte un grand succès, dans les
théâtres comme dans les cabarets « et ce ne sont pas des petits cabarets, ce sont toujours les plus chics » ; puis en Suisse (Bâle,
Liège et Genève, 13-25 mars), où Joséphine et Jo Bouillon emmènent leur troupe dîner dehors le soir, et où Joséphine se promène
partout avec deux petits singes qu’elle a achetés au zoo d’Anvers, etc... En Amérique du Nord (4 avril 1950) : grand triomphe à
Philadelphie, galas officiels, New-York, Chicago. Retour rapide en Italie, représentations à Rome, Milan, Trieste, Bologne
(9-30 avril 1950) : « Joséphine a un succès fou partout, et les théâtres sont toujours pleins ». Joséphine semble très difficile avec
son personnel : un travail fou, pas ou peu de temps libre, et elle n’est jamais contente. Ginette raconte les voyages, ce qu’elle arrive
à voir de l’Italie, la vie avec Joséphine : « Joséphine est très envahissante, il faut que je fasse un peu sa femme de chambre » ; elle
demande beaucoup, mais elle est très gentille, et elle emmène sa petite troupe partout avec elle, aux diners chics et aux restaurants,
dans les magasins, etc. La tournée se poursuit à Venise, Padoue, Florence Arezzo et Rome à nouveau, jusqu’au 7 mai... Grand retour
en Amérique : immense succès à New York, avec beaucoup de travail : « elle a fait un enregistrement de son spectacle qui doit passer
sur la Voix de l’Amérique ». Ginette raconte ses disputes avec Joséphine, qu’elle a failli quitter, et avec Jo
B
ouillon
, qui la sous-paye...
Tournée en Amérique du Sud : Mexico (6 octobre-13 novembre), où Joséphine est arrivée très malade, mais le travail a vite repris... Ils
vont ensuite à Cuba, où le programme s’annonce intense au théâtre, « cela fera 4 séances tous les jours pendant 3 semaines »... La Havane
(29 novembre-4 janvier 1951) : « C’est la première fois que Joséphine vient à Cuba, et elle a un succès fou. Le théâtre est immense et
tous les soirs il est plein. [...] J’ai toujours beaucoup de travail car Joséphine change de programme toutes les semaines, elle a un énorme
succès » ; elle donne jusqu’à six représentations par jour (théâtre, particuliers, radio, télévision), en tout 32 chansons, et le contrat est
prolongé jusqu’en janvier, où, le 7, Joséphine débutera à Miami : « C’est un grand événement pour Joséphine car c’est la première fois
qu’une artiste de couleur a le droit de travailler là »... Miami (6-16 janvier 1951) : Joséphine débute à Copa-City Cabaret, ce sera un très
grand événement, et pour elle une grande victoire : « Elle a exigé dans son contrat que les noirs aient le droit d’entrer dans le cabaret »…
Le dernier soir, à La Havane, « elle a donné un spectacle gratuit pour le peuple dans un théâtre en plein air, il y avait 20.000 personnes,
la foule avait envahi la scène, [...] c’était fou ». À Miami « les gens de couleur ont le droit de venir la voir, et cela la rend très heureuse ».
Elle est très admirée, car jamais l’Amérique n’a vu un spectacle comme le sien, et toute l’Amérique en parle... Retour à La Havane (27
janvier-25 février 1951) : « Joséphine a encore une proposition de 5 semaines de prolongation ici, c’est un succès inouï. En Amérique du
Nord on la réclame de tous les côtés, elle a un contrat de 2 ans »... Joséphine prend aussi le temps d’organiser un « “pot au feu” pour les
vieux », qu’elle va servir dans les hôpitaux, chez les lépreux ou les fous... Retour en Amérique du Nord : New York (28 février-21 mars) :
« Joséphine va travailler à Brodway, c’est l’endroit le plus important de New York [...] 4 spectacles pour jour et nous commençons à 11 h
du matin et terminons le dernier à 11 h du soir » ; puis Philadelphie pour une semaine, où Jo Bouillon est présent. Après le départ de
Jo Bouillon, Joséphine, n’aimant pas être seule, veut que Ginette habite avec elle : « elle est beaucoup plus gentille quand il n’est pas
là, et quand ils sont fâchés elle est un amour ». Joséphine a « un succès grandissant, elle est “la rage de l’Amérique” » ; puis Chicago
(12 avril) : « Depuis que Jo Bouillon est parti, la vie est magnifique. Joséphine est un amour » ; Buffalo (26-30 avril) : le frère de Joséphine
est venu pour la première fois la voir sur scène, visite émerveillée des chutes du Niagara ; puis Detroit, Boston, Pittsburg (9-17 mai) :
« Il se passe ici en Amérique des choses vraiment horrifiantes avec tous les gens de couleur, c’est incroyable. Joséphine le disait toujours,