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Henri M. PETIET

Éditeur et marchand d’Estampes

Puisque l’opportunité m’est offerte d’évoquer la personnalité d’Henri Petiet et ses relations

avec le monde de l’Estampe et le Marché de l’Art, c’est avec grand plaisir que je le fais, et je

voudrais que ces quelques lignes soient une forme d’hommage rendu à un personnage hors

du commun.

J’ai fait mes débuts dans la carrière de marchand d’Estampes en 1946. J’ai bien entendu

profité de l’expérience de mes prédécesseurs et de la précieuse documentation que j’ai trouvée

dans la maison familiale, mais ce qui m’a été plus précieux encore, ce sont les conseils que

m’ont prodigués sans compter les grands marchands presque tous aujourd’hui disparus,

qui m’ont transmis le fruit de leur expérience. Je veux parler de ces grandes figures que

furent Paul Prouté, Maurice Gobin et Marcel Guiot. Mais c’est sans doute avec Henri Petiet

que j’ai entretenu les relations les plus suivies, car ce grand Monsieur m’a fait l’honneur

de m’accorder à la fois sa confiance et son amitié. En dehors de la passion qu’il avait

pour la collection de livres rares, de chemins de fer et d’automobiles, c’est l’Estampe sur

laquelle il a concentré la plus grande partie de son activité. En effet, avant de s’installer

comme marchand, il fut avant tout un collectionneur. Peu de temps après la première

guerre mondiale, il fréquente assidûment les spécialistes parisiens et notamment le magasin

de Maurice Le Garrec situé alors 39 bis, rue de Châteaudun. Mais très vite il se sent attiré

par l’édition et la vente d’Estampes. Après la rue d’Assas, il s’installe dans une boutique, au

8 rue de Tournon, qu’il appelle “A la Belle Epreuve”. Cet intitulé révèle l’importance qu’il

accorde aux belles épreuves dans le domaine de l’Estampe ancienne et moderne. C’est lui

qui m’a appris à regarder et à apprécier la qualité d’une Estampe : c’est grâce à lui que j’ai

compris ce miraculeux mariage du papier, de l’encre, de l’impression qui font d’une gravure

un objet unique et exceptionnel. Il avait, de plus, un art consommé de manier ces fragiles

feuilles de papier, les saisissant de ses longs doigts raffinés, sans les abîmer. Je me rappelle,

qu’un jour, dans sa boutique de la rue de Tournon, quelques épreuves traînaient sur une

table. Un visiteur s’en saisit maladroitement et Henri Petiet se précipite sur lui et lui dit avec

cette hauteur cinglante dont il avait le secret : “Monsieur, veuillez lâcher ces Estampes, vous

n’avez pas qualité pour toucher ces objets”. Le visiteur court encore…

A la suite de la grande dépression des années 29/30, les marchands parisiens se

remettaient difficilement de la crise. Malgré cela, Henri Petiet, avec une clairvoyance et

un courage exceptionnel acquiert, à la mort du Grand Editeur Ambroise Vollard, en 1939,

la presque totalité des éditions de ce remarquable promoteur de l’Art contemporain. Henri

Petiet aurait pu se contenter de vivre tranquillement sur ce stock mais, s’il s’est, avant guerre,

lié d’amitié avec des artistes de sa génération et il publie des Estampes de Marie Laurencin,

Gromaire, Goerg, Dunoyer de Segonzac, ou d’autres, moins célèbres mais dont il avait