91
90
Lettres & Manuscrits autographes
•
26 mai 2020
133
CHATEAUBRIAND François de (1768-1848)
L.A., Val de Loup lundi 14 [octobre 1811], à la duchesse de DURAS ;
4 pages in-4.
Belle lettre sur le mariage de son neveu Louis de Chateaubriand,
sur sa situation financière et
Les Aventures du dernier Abencérage
.
« J’ai reçu votre lettre au milieu de la noce. J’ai assisté à cette triste
cérémonie. Voilà qui est fait ; les voilà dans cette grande route de tous
les chagrins ; on y marche vite. Quand j’ai vû le pauvre orphelin avec son
frère, chercher un appui dans une famille étrangère, et appeller sa mère
une personne qu’il a rencontrée une douzaine de fois dans sa vie, j’ai
été tout attendri. Cela m’a fait songer à la mort de tous les miens, à mon
isolement sur cette terre, à ces tombeaux qui se sont élevés autour de moi
et qui dans quelques années me compteront au nombre de leurs habitans.
134
CHATEAUBRIAND François-René de (1768-1848)
L.A.S. « Chateaubriand », Paris 17 juin 1821, [à Jean-Gabriel DENTU] ;
2 pages in-4.
Intéressante lettre sur l’édition de son discours de réception
à l’Institut, interdit par Napoléon
.
[Jean-Gabriel Dentu (1770-1840), imprimeur-libraire, cofondateur du
journal monarchiste
Le Drapeau blanc
, a édité des
Pièces intéressantes
pour servir à l’histoire du XIX
e
siècle
(1821), où fut recueilli le discours
interdit de Chateaubriand.]
« Je n’ai jamais, Monsieur, publié mon discours à l’Académie. Je ne
reconnois aucune des copies qui sont entre les mains du public. Elles
ont toutes été répandues par la Police de Buonaparte ; elles sont
interpolées et mutilées d’une manière horrible. Celle qui est insérée
dans les
Pièces pour servir à l’histoire du 19
ème
siècle
est aussi fautive
que les autres. […] Je possède l’original écrit de ma main rayé et
lacéré par celle de Buonaparte, et quand on lit cet original, on voit bien
pourquoi Buonaparté vouloit me faire fusiller. Je n’ai point, Monsieur,
réclamé contre l’article du
Drapeau blanc
, car je ne ferai jamais rien
qui puisse nuire aux Royalistes, même lorsqu’ils disposeroient de ma
propriété sans m’en demander la permission, et que j’aurois quelque
droit de me plaindre »…
On joint
un manuscrit du
Discours que M. de Châteaubriant devait
prononcer à l’Institut, et qui a été refusé
(cahier in-4 de 21 p.) ; et une
plaquette,
Discours de M. Chateaubriant, pour sa Réception à l’Institut.
(Buonaparte en défendit l’impression.)
(Bruxelles, chez Weissenbruck,
et Paris, chez les marchands de nouveautés, 1814 ; in-8).
1 000 - 1 200 €
135
CHÉNIER André (1762-1794)
L.A.S. « Chénier de S
t
André », Paris 8 septembre 1790,
[à François BARTHÉLEMY] ; 1 page et demie in-4.
Très rare lettre au sujet d’un de ses premiers écrits politiques
.
[François BARTHÉLEMY (1747-1830), futur Directeur, était alors chargé
d’affaires à l’ambassade de France à Londres, où Chénier était aussi
employé, tout en ayant la permission de passer l’été en France. C’est en
août 1790 qu’il écrivit, inquiet de la situation politique, un
Avis au peuple
français sur ses véritables ennemis
, publié le 28 août dans le
Journal
de la Société de 1789
, dont il envoie des exemplaires à son ami pour
les distribuer à Londres. En publiant cette lettre, Paul Dimoff soulignait
la rareté des lettres de Chénier, « vingt-cinq en tout ».]
« Vous connaitrez l’état de Paris […] par beaucoup d’autres voyes, et
aussi par la lettre que j’écris à Mr l’Ambassadeur. Je vous envoye un petit
écrit assés sévère, et que j’ai cru utile à publier dans les circonstances où
nous sommes et d’où nous ne sortons pas. Je vous prie de vouloir bien
remettre les exemplaires qui sont sous le meme paquet à M
r
l’ambassa-
deur, Madame de la Luzerne, et M
r
Restif [RESTIF DE LA BRETONNE], à
qui je fais mes tendres amitiés ; et de faire parvenir l’autre à M
de
Church ».
Puis il parle « d’une affaire à laquelle s’interessent quelques-uns de mes
amis que je voudrais pouvoir obliger. Ils m’ont prié de faire en Angleterre
quelques démarches », concernant « un M
r
Benjamin Banks de Barnstaple
en Devonshire, lequel avait fait à l’île de France un billet de 15 mille
roupies à une M
lle
Helene Chevalier, avec promesse de luy en réitérer le
billet, et de l’épouser, et même de luy faire donation entiere de ses biens.
Il l’épousa à S
te
Helene. Il parait qu’il abusa de ce qu’elle ignorait la
langue, et qu’il a asses villainement essayé de la tromper ; car il a été
[dit] aux parens de cette dame que le mariage n’était point par-ce-qu’il
n’y avait pas eu de témoins qui eussent signé. J’ai cependant vu et lu
une lettre écrite et signée de sa main dans laquelle parlant avec une
grande douleur de sa mort il l’appelle clairement sa femme. Elle est
donc morte. Les 15 mille roupies qui devaient luy être payées en tout
état de cause, ne l’ont jamais été ; sa famille les redemande aux termes
du billet. Je vous demande pardon de la peine que je vous donne, en
vous priant de consulter quelques gens de loy, pour savoir quel parti
on peut tirer de tout cela devant les tribunaux de Londres »...
Provenance
Pierre-René AUGUIS (22 octobre 1827, n° 1105) ; marquis de L’AIGLE
(6 février 1946, n° 15) ; André GÉRARD ; publication (fautive)
par André Dimoff, « Une lettre inédite d’André Chénier à François
Barthélémy », Revue l’histoire littéraire de la France, avril-juin 1963,
p. 292-294.
1 000 - 1 500 €
Dans cette disposition d’âme il a fallu faire des couplets ; aussi en vou-
lant faire une chanson j’ai fait une complainte qui a fait pleurer tout le
monde. N’est-ce pas bien prendre mon temps et choisir le lieu ? Je ne
crois pas que je sois bien lié jamais avec les membres de cette famille.
Si Louis avoit épousé un plus grand nom ou une plus grande fortune,
peut-être aurois-je, sous quelques rapports, retrouvé des parens dans
les siens. Christian, le frère cadet, part et va voyager plusieurs années.
Il aimoit Louis comme Pilade aimoit Oreste, et ne peut se faire à l’idée
de ne plus occuper que le second rang.
Ce que vous me dites de vos arrangemens me fait une grande joie
en me donnant l’espoir de vous voir cet hyver. Il faut autant que cela
est possible se rapprocher dans cette vie ; le moment de la dernière
séparation est si prochain qu’on ne sauroit trop profiter du peu de jours
qu’on a à se voir. […]
La banqueroute de
NICOLLE
m’a obligé d’engager l’
Abencerrage
pour
9000 francs ; ces 9000 francs seront payés par la vente de l’ouvrage
que le prêteur aura le droit de faire imprimer au mois de novembre
prochain pour paroître au mois de janvier, si je ne puis payer cette
somme avant cette époque. Cela me met au désespoir, car je crois
que ce n’est nullement le moment pour moi de reparoître aux yeux du
public ; sans compter que je n’ai aucune envie d’imprimer l’
Abencer-
rage
. Je m’occupe de trouver la somme. Si j’étois assez heureux pour
la trouver, je délivrerois le prisonnier ; alors me trouvant libre, j’irois
avec M
de
de Ch[ateaubriand] passer tout le mois de novembre chez M
de
d’Orglandes comme je l’ai promis à Louis. Si au contraire il faut imprimer
l’
Aben
[
cerrage
], je resterai à la Vallée. Mon projet est d’y demeurer
peut-être tout l’hyver, surtout si vous ne venez pas à Paris. Mais dans
le cas où M
de
de Ch[ateaubriand] s’ennuyât trop de cette solitude et
voulût quitter la Vallée cela ne serait guère que vers la fin du mois de
janvier que je consentirois à aller à Paris. – Notre grand arrangement
n’est pas encore complet ; mes neveux sont excessivement gênés par
ce mariage, et retardent malgré eux le payement du premier trimestre.
D’un autre côté toutes les actions ne sont pas remplies ». Il ne veut pas
de M. de L. [duc de Lévis ?] qui « s’est vanté auprès de M. de Rosanbo
d’être au nombre des associés ; c’est fort aimable mais il nous faut des
personnes qui puissent attendre dix ans
leur gloire
»...
Correspondance générale
, t. II, n° 528.
1 000 - 1 500 €
133
134
Détail