Le mouvement romantique
Quel autre mouvement que le romantisme englobe plusieurs pays et
touche autant de domaines de la création artistique et littéraire ? Il y
a une littérature romantique avec en figures de proue Byron et Shelley
en Angleterre, Goethe et Schiller en Allemagne, Chateaubriand,
Stendhal, Hugo, et Balzac en France, Rousseau faisant figure de
précurseur. Le romantisme touche tous les genres littéraires, le roman,
la nouvelle avec Mérimée, le récit poétique avec Nerval, la poésie
lyrique avec Lamartine, la poésie dramatique avec Musset et Vigny. Il
y a une musique romantique, avec Chopin, Liszt, Berlioz, Mendelssohn,
Schubert, Schumann, un opéra romantique avec Rossini, Meyerbeer,
Verdi, Wagner, des ballets romantiques, même s’il faut attendre
quelques décennies pour qu’un grand compositeur, Tchaïkovski, cesse
de considérer la musique de ballet comme un genre inférieur. Il y a une
peinture romantique, avec Géricault, Delacroix…
Le mouvement romantique est une révolution culturelle totale. On
abandonne les thèmes d’inspiration classiques venus de la tradition
gréco-latine pour se tourner vers des sujets pris dans l’actualité.
Géricault peint le radeau chargé de morts et de survivants à la suite
du naufrage de la frégate « La Méduse », Delacroix s’inspire à chaud
des barricades érigées lors des « Trois Glorieuses » de 1830 pour
composer
La Liberté guidant le peuple
. Stendhal part d’un fait divers
pour écrire
Le Rouge et le Noir
, Balzac, prend les personnages de sa
Comédie Humaine
dans le monde où il vit. Le renouvellement complet
des sujets dans le sens d’un réalisme de plus en plus précis, moderne, est
la première caractéristique du romantisme. La deuxième, c’est l’abolition
des règles qui n’ont pour effet que de corseter l’inspiration. On abolit
au théâtre l’unité de lieu et l’unité de temps, et surtout on mélange les
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comédie et la tragédie. Le drame shakespearien est pris pour modèle.
Nous ne vivons plus ni dans les temps primitifs ni dans l’Antiquité, écrit
Hugo, mais dans l’ère du spiritualisme chrétien : l’homme est un mélange
d’aspirations au sublime et d’enlisement dans le grotesque. Seul le
drame romantique peut produire des héros modernes.
Le héros romantique est un solitaire en proie au doute parce qu’il se
heurte à la société, à ses règles, à ses convenances, à ses rigidités,
à ses préjugés. Le jeune Werther de Goethe, qui finit par se suicider
parce que son amour pour Charlotte est un amour impossible a fait
pleurer toute l’Europe. On s’habille avec des vêtements imités de
ceux des personnages. Les hommes ont le cheveu fou. Malheureux,
mélancolique ou déçu dans ses ambitions, le héros à la sensibilité
romantique ne trouve de réconfort qu’au sein de la nature où il
peut librement épancher sa douleur. « Le Lac » ou « Le Vallon » de
Lamartine sont des refuges pour le poète que la mort de l’être aimé
a frappé. Au centre de la poésie romantique il y a le héros et ses
états d’âme. «
Le romantisme
, écrit Baudelaire dans le Salon de 1846,
n’est ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la
manière de sentir
». Seul le romantisme est vraiment moderne, ajoute-
t-il, «
c’est l’expression la plus récente et la plus actuelle du Beau
. »
Avec la révolution de 1848 et le Second Empire, le romantisme disparaît
en tant que mouvement. Plus de batailles comme celle d’Hernani en
1830, plus de manifestes tapageurs, plus de regroupements autour
de revues, mais des auteurs, soit confirmés, tel Hugo qui continue à
construire son œuvre, soit nouveaux, tels Flaubert ou Baudelaire, et
des traces profondes dans la littérature et les arts.