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ctuellement exposées au Centre Wallonie-Bruxelles de
Paris, des toiles de Paul Delvaux déploient les divers as-
pects de l’œuvre du peintre belge : sous le signe de l’onirisme,
une synthèse décalée des thèmes du XXe siècle.
Mort presque centenaire, Paul Delvaux (1897-1994) aura tra-
versé ce XXe siècle si remarquablement foisonnant en termes
de propositions esthétiques, et il aura su intégrer dans son art
de nombreuses influences typiques de son temps pour les ex-
primer à travers une sensibilité unique, subtile et racée. Si, au
début des années 20, le peintre expose avec le groupe post-im-
pressionniste « Le Sillon », il subit à la fin des « Années Folles
» l’influence des expressionnistes James Ensor, Gustave de
Smet et Constant Permeke. Mais c’est ensuite le surréalisme
et, essentiellement, l’œuvre mystérieuse de Giorgio de Chirico,
qui vont achever d’armer esthétiquement Paul Delvaux, dont les
études à l’Académie royale des Beaux-Arts avaient été écour-
tées par la Grande Guerre, à la suite de quoi il s’était formé
en autodidacte non sans conserver des attaches avec le clas-
sicisme d’Ingres et de Poussin. Première exposition depuis la
dernière grande monographie qui lui avait été consacrée au
Grand Palais en 1991, et alors qu’il était toujours en vie, «
Paul
Delvaux. L’écho du rêve
», que propose aujourd’hui le Centre
Wallonie-Bruxelles – situé juste en face du Centre Pompidou -,
tente de mettre à l’honneur ce géant de l’Art belge encore trop
peu connu en France, grâce à un échantillon de ses œuvres
aussi remarquable qu’exemplaire.
Onirisme
Ce qui caractérise essentiellement l’art de Delvaux, c’est
qu’il s’agit d’un onirisme, et ce, à tous les niveaux, sur tous
les thèmes, et à chacune de ses périodes – du moins, une fois
sa maturité atteinte. C’est-à-dire que le peintre ne représente
jamais qu’une image intérieure et une image composée selon
des règles qui échappent aux normes réelles tant en raison
des sujets que de leur organisation. Même ses toiles les plus
marquées par le post-expressionnisme, qui rappellent pour-
tant la « Nouvelle Objectivité » d’un Otto Dix et semblent viser
un certain réalisme, si l’on excepte le très beau
Couple
, portent
le plus souvent la marque de l’échappée onirique, du décalage
fondamental, du virage absurde. Ainsi cette
Vénus endormie
qui
montre, selon une mise en scène assez réaliste, une femme
nue, endormie, présentée aux badauds comme une attrac-
tion dans un décor de foire. Le dormeur ou la dormeuse sont
d’ailleurs des sujets récurrents du peintre qui opère par là une
mise en abyme de sa propre démarche.
On trouve régulièrement aussi des nudités insolites, ainsi, par
www.artefact-leclereblog.frPAUL DELVAUX :
PRISME ONIRIQUE
PARIS / Centre Wallonie-Bruxelles
Le Rêve 1935. © Vincent Everarts-ADAGP Paris 2016