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que nous nous avançons. Au sommet du mont le vent devient furieux, les uns perdant courage veulent rester sous un mauvais abri. Je
dois répondre de la vie de chacun, il faut prendre un parti, je demande s’il n’y a pas un danger réel, on me dit que non, et qu’il y en
auroit en restant, puisque la nuit va arriver, je me décide donc à braver toutes les tempêtes. Je n’avois eu à redouter jusqu’alors que les
orages causés par les passions des hommes, je les avois cru les plus terribles, celles du ciel le sont aussi, le vent, le froid, la neige, les
tourbillons, tout nous environne, le traineau de Mlle de Courtin verse dans la neige, le cheval qui traine le mien s’effraye un instant et
s’emporte. Mon fls, qui grace à Dieu, n’étoit pas tout de bon enseveli s’élance de son cercueil, me reçoit dans ses bras. Nous résistons
à la tempête qui fait mille efforts pour nous enlever, la victoire nous reste, et le vent pour trophée se contente de la casquette de Mr
Le Bas. La nuit est arrivée, et toujours de la neige et toujours du vent, et toujours des précipices, la décente semble sans fn, mon cher
enfant ne me quitte plus, il soutient mon traîneau. Enfn nous touchons la terre et nous la saluons avec joie, comme le marin, après
une navigation orageuse, salut le port qui devient son refuge. Voici un récit fdèle de nos dangers »…
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HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. 2 L.A.S. « H. », [Rome] 15 et 23 février 1827 ; 2 et 3 pages in-8.
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Elle a été malade, et « voilà le carnaval, c’est le tems des folies de Rome. J’en profterai peu, pourtant j’irai voir les masques, car j’ai
l’enfantillage de les aimer beaucoup et d’ici à quelques jours mes forces seront j’espère revenues ». Elle évoque le possible remplace-
ment d’Élisa de Courtin, et veut une musicienne : « il faut pour moi savoir tout déchiffrer à livre ouvert et puis ici tu sais qu’on tient
un peu à la naissance » ; elle cite plusieurs candidates, dont la dernière flle de Sophie Gay… Elle dément les rumeurs d’un mariage
d’une de ses nièces : « elle est bien jeune et ma belle-sœur ne s’engage jamais d’avance »...
Elle parle encore d’Élisa de Courtin qui « devient tous les jours plus ridicule et plus insupportable que jamais. Elle me rend la vie
malheureuse, elle espère le mariage, et je l’espère aussi. Mais de toutes façons je lui donnerai encore sa pension mais elle ne peut plus
rester avec moi. […] dernièrement que j’allais au bal chez mon beau-frère, elle n’avoit pas fait faire sa robe exprès et sur mon insistance
pour y venir elle m’arrive avec un chapeau noir et une robe montante de gros de Naples noir. Je lui ai dit : restez je vois que cela vous
contrarie trop, je sais me passer de tout le monde et je sais bien qu’il n’y a plus ici avantage ni plaisir à accompagner une personne qui
n’est plus rien. Elle m’a répondu : certainement autrefois je n’aurois jamais accepté d’être dame près de vous. Elle est restée, j’ai été
avec mon fls, mais je n’ai pu que sourire de cette ferté si mal à sa place. Je le répète c’est de la médiocrité que ces gens qui veulent se
faire remarquer par un caractère quelconque, et qui d’une qualité qu’ils auroient eu font un défaut par l’excès qu’ils y mettent »… Elle
charge Églé de lui trouver quelqu’un ; elle ne veut pas de Mlle Gay, « à cause de la mère qui serait trop chez moi ». Quant à Hortense
Allart, « mon mari la trouvoit charmante et elle lui a fait le coup qu’elle étoit mariée et que son mari était dans les fers de Mme Sam-
payon. Du reste tout le monde en parloit à Florence comme doutant de son mariage quoiqu’elle nourrit un beau garçon et qu’elle fut
très intéressante, elle fait dit-on des romans »…
157.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A. et L.A.S. « H. », [Rome] 24 et 28 avril 1827 ; 2 et 4 pages in-8.
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24 avril
. Elle a reçu la caisse avec le turban et les gants, et va restreindre ses dépenses. Elle conte le suicide d’un « pauvre jeune garde
noble » qui s’est tiré un coup de pistolet « par douleur du changement d’une dame qu’il aimoit ici, sa mort nous a beaucoup affigés ».
Elle va « d’une crise à l’autre. Il faut se résigner à souffrir un peu. La pauvre duchesse de Bassano nous montre un terrible exemple et
nos douleurs pourraient bien avoir la même fn, de notre siècle on a tant vécu en peu de tems qu’il compte double ; et à en juger par les
hommes nous ne ferons pas de
vieux os
comme le dit le proverbe. Je loge à la Villa Pauline, c’est à la campagne, rien ne ferme et je crois
que pour l’hiver ce n’étoit pas assez bien, aussi mes enfants le cèdent à leur cousin et j’ai loué un appartement dans le cours [Corso]
pour les années où je viendrai à Rome. J’y serai bien et très économiquement car je ferai venir mes meubles et le loyer sans meubles
n’est rien. […] Je vais essayer de remonter à cheval. Cela me fera peut-être du bien. Pour mes engourdissements, tu sais qu’on m’a mis
les sangsues, et mon sang a été trouvé si beau qu’on croit que ce j’ai vient toujours des nerfs »…
28 avril
. Elle s’interroge sur le choix de la nouvelle lectrice et la proposition de Mlle Le C. [Le Camus], peut-être trop distinguée : « Je sais
bien qu’élevée simplement et près d’une mère tendre, on prend l’habitude d’une vie occupée d’un côté, et des soins et des égards de l’autre,
c’est dans ma position ce dont j’ai le plus besoin ; mais mon premier besoin encore est de voir heureux ceux qui sont autour de moi. Une
jeune baronne allemande trouvera tout bonheur et jouissance dans ma maison. Une jeune françoise changera ses habitudes, regrettera
sa famille, sa patrie, et trouvera peut-être sa dépendance lourde, j’ai beau la rendre légère c’est toujours une dépendance », certes, on se
trouve dans une « position convenable et considérée », qui peut permettre de faire « un mariage avantageux »… « Je donne 1200 francs
pour la toilette et trois cent pour payer la femme de chambre. Je désire que l’on prenne celle qui a toujours été aux dames, qui est la femme
du valet de chambre de mon fls et qui est déjà dans la maison. Je ne parle pas des cadeaux de toilette que je fais parce que c’est selon ma
fantaisie ». Elle propose de faire avec la jeune personne le voyage d’Italie avant de se décider… « Depuis qu’il est convenu qu’elle ne reste
plus, Eliza est redevenue charmante, elle avoit pris sa place en horreur […] Dis moi aussi s’il n’y a rien de ridicule ou de trop bien dans
Mlle Le C. car l’un seroit fâcheux et j’ai un fls bien jeune pour que trop de beauté ne soit dangereuse »…
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HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A. (incomplète de la fn) et L.A.S. « H. », [Arenenberg juin ?] et 21 juillet [1827] ;
4 et 3 pages in-8.
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Choix d’une dame de compagnie musicienne.
Elle va partir pour les eaux de Schintznack « seule avec mon fls, j’espère que ces eaux lui feront du bien pour ses boutons et moi j’en
profterai car j’ai eu tant de crises ce printems que le souffre me fortifera la peau ». Elle attend au retour diverses personnes. Elle parle
de ses dames Éliza [de Courtin], Angélique, la petite Frosconi… Elle hésite à prendre Mlle Le Camus si elle ne sait pas accompagner :
« j’y tiens beaucoup, tu sais toi-même que cela fait le charme de mon intérieur. Déchiffre-t-elle au moins comme toi ? Car pour jouer,
tu sais que c’est un accessoire, et en voyage cela me coute très cher d’avoir toujours des accompagnateurs. C’est donc une des premières
conditions pour rendre mon salon agréable ». Quant à Sophie Gay, « on m’a tant parlé du talent merveilleux de sa flle que si elle me
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