Page 37 - JMD_Autographes_dec_2011.indd, page 16 @ Preflight

SEO Version

-
37
-
5 octobre
. Elle regrette bien de ne pas Églé cette année : « tu sais bien que je te regarde toujours comme une de mes plus anciennes
et meilleures amies. Et rien ne m’auroit fait plus de plaisir que de te posséder ici ; à présent j’y suis complettement seule et je vais me
disposer à mon grand voyage. Je passerai par Munich pour voir ma sœur et le roi et la reine qui ont été si tendres pour moi à Baden ;
mais je suis comme une machine usée, ou comme un corps ulcéré. Je m’engourdis en place, et si je me remue je sens rouvrir toutes mes
blessures. Aussi j’allonge le tems pour me mettre en route et peut-être le mauvais tems seul me chassera d’Arenenberg. Ce n’est pas que
j’y aye beaucoup de plaisir car tu connois mon entourage. Sans Angélique avec laquelle je m’occupe, je n’ai qu’une belle fgure fère de
ses avantages, ennuyée, dédaigneuse, sans soins, sans égards pour moi, et à laquelle je ne souhaite pour le peu de douceur qu’elle me
procure que de trouver un bon mari et de la rendre un peu plus heureuse que celle qu’elle devoit regarder ». Elle a envoyé à Églé son
« livre de romances. Je n’ai pas mis le portrait, il étoit trop laid ». M. de Brack aurait acheté Eugensberg : « Si c’est une spéculation il
peut faire comme à Paris bâtir des chalets. Et j’espère que tu en prendrois un, car cela ne seroit sans doute pas cher et le pays te plairoit,
j’espère. Pour moi je me croirois un peu dans ma patrie que de t’avoir, ainsi que quelques compatriotes, pour voisins, entourée un peu
par l’amitié »… Elle se réjouit du succès du livre de Mme Campan : « il n’y a pas de doute qu’après votre mort on vous rend toujours
justice. Je le disois souvent à ta pauvre tante à son dernier voyage, pour la consoler du peu de justice qu’on lui rendoit, et je lui disois
aussi en riant que je prenois ce précepte là pour moi tout en le lui donnant. Car j’en avois tout autant besoin qu’elle, de penser que la
tombe est le refuge d’une vie pure et que les passions s’étant arrêtées, enfn, la vérité seule tôt ou tard se fait connaître ». Elle évoque
enfn le projet de mariage de sa nièce Eugénie avec le prince de Hohenzollern Echingen…
152.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « Hortense », [Rome] 22 février [1826 ?] ; 1 page in-8.
400/500
Maladie du futur Napoléon III. « Depuis le 6 de ce mois de février, je n’ai ni dormi ni mangé et j’ai eu les plus vives inquiétudes
pour mon fls Louis qui a eu une fèvre infammatoire. Heureusement il est tout à fait bien. Il se lève et mange d’un très bon appétit.
Son père et son frère sont arrivés de Florence en toute hâte et l’ont trouvé hors de danger. Tu dois juger de mes tourments. Je ne puis
encore retrouver le sommeil et je suis maigri autant que le malade ; mais grâce à Dieu je suis trop heureuse d’avoir échappé à un si
grand malheur pour me plaindre, et encore quelques jours et tout ira bien. […] Je vois le carnaval de ma fenêtre et je n’ai pas le courage
d’y prendre part ».
153.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « Hortense », Rome 15 mai 1826 ; 2 pages et demie in-8.
500/700
Projet de mariage de son fils aîné. Elle n’a été « obligée de garder mon lit que deux fois depuis que je suis à Rome pour cette crise
de nerfs, et l’hiver dernier à Arenenberg malgré ma maladie qui étoit assez sérieuse j’ai eu au moins 12 crises. Tu vois l’avantage du
bon climat. Cependant je ne compte pas rester ici l’été, j’espère bien que nous nous verrons et que tes fls viendront te rejoindre chez
moi comme c’est convenu. Les eaux de Bade en Suisse sont je crois supérieures à celles de Bade près de Strasbourg. Ces dernières
ressemblent un peu à celles de Plombières. Il y a du souffre dans les autres, ainsi tu peux choisir. Les unes ensuite sont amusantes, les
autres ennuyeuses voilà encore un choix ». Elle sait que les fls Ney sont « toujours très bien vus » en Suède. La vie de Rome lui plaît,
elle y voit « beaucoup d’aimables compatriotes […] rien ne vaut ce bon bavardage de la patrie, et à celles qui me disoient, est-ce que
vous ne pourriez pas revenir en France, tout le monde vous rend justice à présent, je répondois : mes désirs ne vont même pas si loin,
que mes amis, que mes compatriotes viennent me voir sans que cela leur nuise, voilà toute mon ambition ». Elle évoque Mme Bony de
Castellane, gaie et spirituelle, et sa belle-mère : « Ils ont été charmants pour moi. Nous avons chanté de mes romances avec la jeune
qui sans beaucoup de voix, y met de l’accent et de l’âme »… Puis elle évoque le projet de mariage de son fls aîné Napoléon-Louis avec
sa cousine Charlotte (flle de Joseph Bonaparte, le mariage sera célébré le 23 juillet 1826) : « ma nièce est enfn partie avec sa mère
pour Florence. Elle verra mon fls, ils s’expliqueront, ils se raccomoderont peut-être. Pour moi j’ai fait toutes mes représentations, elle
a de grandes qualités ; mais je doute, puisqu’elle n’est pas indulgente, qu’elle puisse bien s’entendre avec un très jeune homme et je
redoute du malheur pour leur avenir. Voilà pourquoi j’ai dit rompez plutôt que de vous unir si vos caractères ne s’accordent pas bien.
Nous verrons ce qu’ils feront »…
154.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « Hortense », Arenenberg 23 juillet 1826 ; 2 pages in-8.
300/400
Elle a été très fatiguée de son grand voyage de retour, dont elle a du mal à se remettre : « moi qui chantais tous les soirs à Rome je n’ai
plus la force de retrouver un son. J’espère que cela va revenir. Je compte sur toi comme tu me l’as annoncé et tes garçons ne peuvent
me gêner car tu sais que je les mets comme des capucins en petites cellules. Je suis absolument seule depuis mon arrivée ici. La grande
duchesse [Stéphanie de Bade] viendra sans doute le mois prochain, mais ne pense pas aux toilettes. Nous sommes les plus simples
du monde. […] J’aurai bien du plaisir à te revoir, […] nous vieillissons, c’est triste que ce soit toujours loin des siens, car les années
comptent double et elles passent plus lentement. Ma nièce qui vient d’épouser le prince de Hohenzollern doit venir habiter Eugens-
berg, je l’aime beaucoup et ce sera un doux voisinage pour moi, comme elle vient de se marier nous ne l’aurons que peu de jours son
beau-père ne la laissera pas s’absenter longtems »…
155.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « Hortense », Varèse 11 novembre 1826 ; 3 pages in-8.
500/600
Traversée des Alpes. « On a beau avoir de la prudence, il est impossible de ne pas courrir des dangers, quand on passe les montagnes
de neige dans ce tems ci ; mais malgré les aventures, car ma destinée y est consacrée, je suis arrivée hier ici très heureusement puis-
qu’hors la fatigue, nous sommes tous en vie. Figure toi le voyage le plus périlleux, toujours la nuit nous surprenant dans les montagnes,
puisqu’à 5 heures il ne fait plus jours. Malgré huit chevaux à mes voitures, elles sont si lourdes, qu’elles arrivent toujours trop tard.
Plus nous avançons, plus les dangers augmentent, la neige devient si épaisse qu’il faut démonter les voiture, et soutenues par quatre
hommes, elles versent encore, il faut enfn les abandonner, se mettre dans de petits traineaux faits comme des cercueils, la montagne
devient rapide, la route n’est plus tracée, deux hommes avec des pelles la font devant nous, une tourmente affreuse survient, on voit
à peine à se conduire tant la neige tombe avec force, nous avons l’air d’un convoi qu’on conduit en terre, et pourtant c’est vers le ciel
JMD_Autographes_dec_2011.indd 37
24/11/11 11:25