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à faire des chaînes. Je profterai d’une occasion pour t’en envoyer une ainsi qu’une plus petite pour l’ami Jules de Résigny [1788-1857,
qu’Églé va épouser en secondes noces]. Je dis
l’ami
car je l’aime beaucoup et il le mérite. La sienne sera pour porter sa croix. Le sort de
mon frère [Eugène] est enfn fxé. Je pense que tu l’apprendras avec plaisir, c’est un grand bonheur pour ses enfants. […] Garnerai a fait
un portrait de cette pauvre Adèle qui est charmant. J’ai le grand dans mon cabinet »…
130.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A. (la fn manque), [1817] ; 4 pages in-8.
300/400
Acquisition d’Arenenberg. « C’est une douce consolation pour nous, qui nous connaissons si bien, de nous parler un peu à cœur
ouvert, et il eût été pénible d’y renoncer. Je ne redoute même pas la curiosité que peut inspirer notre correspondance, qui peut-elle
intéresser ! car je n’ai jamais eu à craindre que ma plus secrette pensée ne soit connue. Une peine de cœur ne peut être entendue que
par une amie. Le langage de l’affection ne peut être compris par ces politiques qui jugent tout d’après eux aussi. Tombée de bien haut,
je suis incompréhensible pour bien des gens »… Après un long développement sur l’amitié, elle parle de son frère [Eugène] : « j’espère
qu’il va enfn obtenir une petite résidence, c’est là où les bonnes gens devroient se réunir, nous pourrions y faire une petite colonie
en mettant tes enfants dans une bonne université d’Allemagne. Tu serois près d’eux et de nous. Je compte aller dans quelque tems
près de lui, mais j’ai désiré conserver un petit hermitage en Suisse et j’ai échangé Prégny [château de Joséphine en Suisse] contre une
petite campagne sur le lac de Constance. Le site est beau ; mais ce n’est pas ce beau ciel d’Italie ni ses spirituels habitants. Je sens bien
que j’aurois besoin d’un séjour dans ce pays là, comme tu le dis. La joie des autres fait du bien »… Puis elle parle de ses romances :
« Puisque tu t’es remis à la musique je vais t’envoyer quelques-unes de mes romances, j’ai bien de la peine à les faire bien écrire ici, car
il y a peu de ressources ; mais je tache à présent de me passer des autres. J’ai fait aussi quelques paroles, mais cela me coute davantage
que la musique. Quand j’ai trouvé une bonne idée je suis souvent contrariée d’y renoncer parce qu’il faut s’astreindre à des pieds et des
rimes, aussi je n’ai pas la patience de devenir jamais un grand poëte »... Elle parle aussi de leur amie Alexandrine [Pannelier, baronne
Lambert] avec qui elle est en correspondance : « je lui parle des consolations que j’ai trouvé dans la religion, et je lui conseille d’adop-
ter ces principes qui donnent un si grand soutien à la vertu, car il est bien rare quand on a négligé de la pratiquer de pouvoir se dire :
je
n’ai trompé personne
, c’est alors pour son contentement personnel que l’on fait bien »… Etc.
131.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A., [Augsbourg] 26 avril 1818 ; 1 page et quart in-8.
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« Je viens d’être bien malade, ma chère Eglé, ce qui me décidera à aller aux eaux avant que mes tristes affaires d’intérêts soyent terminés ;
mais la santé avant tout ». Elle espère qu’elles pourront se retrouver. Puis elle évoque son mari : « Quand au raccomodement dont tu me
parles je ne t’en veux pas ; mais je pourrois te soupçonner d’avoir peu de mémoire, tu oublies donc tout ce que j’ai souffert, et que le seul
bien que j’ambitionne à présent, c’est au moins la liberté de respirer à mon aise, ma vie seroit compromise si cela ne m’étoit plus possible,
je ne pense plus depuis longtems au bonheur ; mais ne plus être entourée de malveillance de soupçons est nécessaire à mon existance.
N’en parlons donc plus. Ne sois pas inquiette pour l’université où tu dois mettre tes enfants j’ai arrangé tout cela avec mon frère »…
132.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « H. », [Augsbourg] 20 octobre [1818 ?] ; 2 pages et demie petit in-4 (le bas du feuillet
d’adresse a été coupé).
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« Ma chère Eglé, je ne te dirai pas combien je te regrette car il est bien doux de retrouver une ancienne amie et triste d’en être séparée ».
Elle n’a pu lui écrire pendant son voyage, « car tu sais que j’avois à me servir moi-même ce qui prenoit tout mon tems, […] j’ai eu beau
tems et mon médecin en arrivant m’a trouvé, malgré ma maladie, mieux qu’à mon départ. Mais le froid arrivé subitement vient de me
saisir et je me lève aujourd’hui pour la première fois. J’ai passé trois jours à transpirer et à souffrir de la poitrine. J’espère cependant que je
retrouverai assez de force pour bien passer l’hiver. J’ai trouvé ma maison superbe, il n’y a rien de telle que d’être un peu mal pour jouir de
ce qu’on n’apprécioit pas avant. Je regrette cependant notre petite solitude, nos bavardages avec le républicain car je lui préfère ce titre à
celui de cosaque. […] Je pense avec plaisir que je t’ai laissé calme, tranquille et aussi heureuse que tu peux l’être après tant de chagrins. […]
Mon frère [Eugène] vient demain, il attendoit le prince Royal chez lui et n’a pu encore venir s’assurer de ma santé […] Je t’assure que c’est
quelque chose que d’être près des affections sur lesquelles on peut compter, quand on m’engageoit d’aller à Rome, on auroit eu de la peine
à me rendre ce que je possède ici. Aussi malgré ma santé délicate ce ne pouvoit être un bien pour moi »…
133.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A., [Augsbourg] 1
er
décembre 1818 ; 3 pages et demie in-8.
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Sur sa fameuse romance du
B
EAU
D
UNOIS
et le fêtes d’Augsbourg en son honneur.
Elle se chagrine de savoir Églé tourmentée : « Je conçois que tu tiennes à vivre dans un aussi beau pays que l’Italie ; mais quand on fait
tant de cas de la tranquillité je t’assure que l’Allemagne a bien son mérite. […] Pour moi on me gâte un peu ici, et je ne puis m’empê-
cher d’être touchée du plaisir qu’on a montré à me revoir, le pays où l’on peut être aimé est aussi votre pays. […] Le jour de ma fête a
été ici un véritable jour de fête. La veille le gouverneur m’a donné un bal et avant on a représenté des tableaux de tous les couplets de
ma romance
du beau Dunois
, une dame la chantait pendant que la toille étoit levée, c’étoit vraiment une idée charmante et exécutée à
merveille. Le lendemain chez moi on a dansé un quadrille charmant, les costumes étaient en villageois et villageoises de mon pays, il
y avoit des guirlandes à mon chiffre, et des vases et une jolie corbeille offert au nom de toute la société. Tout cela étoient des surprises
qu’on me réservoit […] Il y avoit longtems que cette ville n’avoit été si en mouvement, et moi qui en étois la cause, je sentois vive-
ment ce qu’on fesoit pour me plaire ; mais j’éprouvois en même tems cette crainte d’une personne, à qui l’on reproche toujours l’intérêt
qu’elle inspire, et qui craint l’éclat, parce que la malveillance est toute prête […] il y a eu aussi une comédie jouée par ma maison ; mais
il a fallu la remettre à huit jours car le jour de la fête avait été cédé aux étrangers, tu vois qu’après notre grande retraite de Monte-
nero où la grande affaire était de monter ou descendre la montagne à âne, je suis arrivée au brillant d’un carnaval ». Elle a repris son
« habitude occupée et calme » ; le soir on lit les
Considérations sur la Révolution française
de Mme de Staël : « Cela me met tout à fait
au courant de la révolution françoise que je ne savois qu’imparfaitement et avec la belle réputation qu’on m’a donné de politique, il
étoit ridicule de ne pas connoître même l’histoire de son tems ; mais pauvres femmes que nous sommes notre roman particulier a assez
occupé notre vie, pour que, passé cela tout nous devint indifférent. Mais les hommes nous veullent autrement ? et bien, apprenons
donc ce qui croye nous avoir tant occupé et prouvons que nous sommes dignes d’être à la hauteur, où l’on veut bien nous mettre. Ce
que je vois de bien clair dans tout cela c’est qu’il y a eu des malheureux dans tous les tems et que le bonheur est pour ceux qui vivent
inconnus, et loin des regards des hommes »… Son fls Louis [le futur Napoléon III] « est bien et les leçons vont sans interruption »...
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