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la sifflaient, les enfants la criaient (...) et chaque
intérêt
de se frotter les mains en écoutant annoncée la liberté qui leur profite – quitte ensuite à faire une
grimace rentrée aux libertés qui ne profitent qu’au voisin !”. Elle imagine que Bordeaux aura salué l’apothéose des Girondins, puis elle revient sur son
affaire en rappelant que Raspail a demandé dans sa revue médicale la révision du procès qu’il appelle “
une erreur judiciaire causée par une erreur de chimie
.
M. Raspail est arrivé à Tulle deux heures après ma condamnation. (...) Il a obtenu de précieux renseignements sur les expertises de M. Orfila ; il a fait
une contre enquête devant témoin. Enfin personne mieux que lui n’a pu se convaincre de mon innocence et de la mort naturelle de M. Lafarge”. Elle prie
Bancal de donner une grande publicité aux efforts de Raspail.
1850
.
En prison 20 décembre 1850
. Elle désire obtenir un chemin de croix pour la chapelle des religieuses qui gardent la prison. Abandonnée par la presse
républicaine qui veut “que je meurs ici parce que ses amis politiques souffrent ailleurs”, elle demande le soutien des Bordelais et espère recueillir la somme
nécessaire avec trois articles qu’elle a écrits “pour servir de préfaces
autographes
aux œuvres de Mmes de Lafayette, de Tencin et de Duras”. Mais deux
jours après, elle écrit à Bancal qu’elle est obligée de renoncer, la supérieure lui ayant fait remarqué que l’inspecteur général ne lui accorderait pas la grâce
demandée...
1851
.
Mardi 5 septembre 1851
. Transférée à l’asile de Saint-Vincent de Paul mais toujours accompagnée par sa cousine Adèle, elle décrit les conditions de
leur vie et parle longuement de ses lectures dont celles des ouvrages rédigés par Bancal. Les lettres suivantes sont à nouveau adressées au colonel Marnier
à qui elle confie qu’il lui faudra entrer dans la liberté “par la porte d’une maison de santé”... Elle commence à croire “qu’on ne saurait expier trop cher
l’honneur d’avoir raison quand cette raison lèse l’orgueil de la science et l’infaillibilité de la loi”. Elle évoque une petite émeute montagnarde qui a eu
lieu à Montpellier : “Partout s’agitent des pygmées – nulle part ne grandit des héros ! Nous sommes
blancs
ici. Le préfet a des talons rouges. Le maire est
manchot. Le conseil municipal
croit en masse
que le Prince Louis n’a accepté la présidence que pour faire sacrer le comte de Chambord
roi républicain
.
S’il hésite, c’est qu’on ne retrouve pas la sainte ampoule”...
1852
.
Lundi 21
. Elle raconte de quelle façon elle a obtenu la grâce présidentielle et comment son oncle Collard est parvenu à faire lire sa supplique
au Président de la République qui lui a accordé “la liberté sans restrictions d’aucune sorte (...) Ah ! je n’aime pas le prince, je l’adore (...) C’était la vie se
substituant peu à peu à la mort”... Installée dans “mon petit nid bleu et blanc de l’hôpital général”, elle pourrait se croire à la banlieue du paradis si sa
mauvaise santé n’assombrissait son bonheur. Elle compte y passer l’été avant d’aller aux eaux si nécessaire. Elle s’entourera de solitude et de silence...
Elle évoque l’attitude de sa famille maternelle, et si elle est prête à se soumettre au jugement de ses tantes, elle ne saurait mendier leur pardon. Elle rappelle
toutes les suspicions et calomnies dont elle fut la victime en arrivant à Montpellier ; peu à peu, elle gagna l’estime des personnalités les plus honorables de
la ville et d’ailleurs. Elle quitte la cellule qui fut sa tombe pendant dix ans. Et de Saint-Rémy de Provence, ce cri : “Je suis libre ! (...) Le bonheur me monte
à la tête. J’ai la fièvre et cependant j’ai besoin de faire rayonner la joie qui remplit mon cœur sur le cœur de mes amis”...
* On a relié ensuite trois lettres antérieures à sa condamnation, dont une rare lettre de jeunesse signée “Marie Capelle”, datée de Villers-Hellon
et adressée à la sœur du docteur Poisseux qu’elle souhaite enlever à Mme de Montesquiou [qui réside alors au château de Long-Pont] afin qu’il vienne
examiner sa tante Mme de Martens...
* On trouve également dans ce volume la copie de 4 autres lettres de Mme Lafarge ; 3 minutes ou doubles de lettres d’Antoine-Pascal Bancal
l’encourageant à prendre patience, à croire en la clémence du roi, à lui envoyer ses écrits tout en évoquant son amie Mme Ancelot, et lui communiquant
l’opinion de quelques dames de la société bordelaise ; 3 lettres du comte de Tourdonnet rapportant au colonel Marnier le voyage et l’arrivée de Mme
Marie à la prison de Montpellier à la fin de 1841, et sollicitant l’amélioration des conditions de détention ; une lettre du Dr. Pourché qui soigna Mme
Lafarge à Montpellier (1842) ; une lettre du marquis Nicolaï (le père de la future Mme de Léautaud qui confia à Marie les fameux diamants jamais
retrouvés) ; 3 lettres de son oncle Collard chef de l’établissement d’aliénés de l’hôpital général de Montpellier ; une lettre de l’intendant militaire de
Constantine, 1843, au sujet d’Édouard Collard ; deux lettres de la baronne Caroline Capelle, mère de Mme Lafarge, avec un mémoire et un acte notarié
concernant le tutorat des filles du baron Capelle mort en 1828 ; 6 l.a.s. de l’avocat Charles-Alexandre Lachaud, à propos de l’édition des
Mémoires
de
Mme Lafarge et de son départ pour Montpellier (Tulle septembre-novembre 1841) ; une lettre de l’avocat Théodore Bac ; et divers documents et portraits.
Ancienne collection du bâtonnier Pierre-Antoine
P
ERROD
(4-5 juillet 2001, n° 389)
.
4 000 / 5 000
€