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Une clef essentielle
pour comprendre la composition de la
Dante-S\mphonie
Le projet de 1845 envisagé par Liszt avec Joseph Autran n’aboutit pas, le poète n’a\ant pas donné suite aux appels
de Liszt : « J’aurais peut-être dû tenter la chose. Pourquoi ne le Às-je pas ? Je n’en sais rien. » (Joseph Autran,
op. cit.
,
p. 102). Le compositeur reprit sa réÁexion sur
La Divine comédie
en 1847, et revint à l’idée d’une œuvre s\mphonique,
qu’il esquissa à Woroniĸce chez sa maîtresse la princesse zu Sa\n-Wittgenstein. Celle-ci lui oͿrit un soutien Ànancier
pour un spectacle grandiose, malheureusement, les révolutions de 1848, l’invasion de la Pologne par les Russes et
la ruine de la princesse amenèrent Liszt à reconcentrer ses ambitions sur la seule musique : la
Symphonie pour la
Divine comédie
de Dante
, dite couramment
Dante-Symphonie
, fut ainsi composée en 1855-1856, en trois parties parmi
lesquelles
L’Enfer
tient la plus large place : dans celui-ci sont inscrits des passages du texte de Dante, non en exergue,
mais dans la partition même, comme chantés par un instrument, en souvenir du projet d’oratorio : Liszt cite ainsi les
célèbres vers du chant III «
Per me si va nella città dolente / per me si va nel’eterno dolore, / per me si va tra la gente perduta,
/... lasciate ogni speranza voi ch’entrate
» et ceux non moins célèbres du chant V prononcés par Francesca da Rimini :
«
Nessun maggior dolore / Che ricordarsi del tempo felice / Nella miseria
».
C
ETTE ŒUVRE MAJEURE DU RÉPERTOIRE
SYMPHONIQUE
,
CRÉÉE À
D
RESDE
EN
1857,
EST
LE
FRUIT D
UN COMPAGNONAGE DE
PRÈS DE
TRENTE ANS AVEC
L
ŒUVRE DE
D
ANTE DONT
LE
PRÉSENT VOLUME
SE RÉVÈLE
ÊTRE UN
TÉMOIGNAGE UNIQUE
.
Provenance : JosephAutran, avec notes autographes à l’encre au verso de la dernière garde volante (liste des 7 péchés
capitaux). – Comtesse de Miramon Fitz-James, petite-Àlle de Joseph Autran avec notes autographes signées de de
son mari Bérenger, auteur d’un article sur Liszt et Autran dans la
Revue de musicologie
(au verso blanc du feuillet de
titre).
65. LISZT
(Franz). Lettre autographe signée [à JosephAutran]. Avignon, 6 mai 1845. 4 pp. in-8, plis renforcés
à la bande adhésive.
3.000/4.000
I
MPORTANTE
LETTRE RELATIVE À
SON
PROJET D
ORATORIO
SUR
L
’E
NFER DE
D
ANTE
.
«
.........
Ces points veulent dire une foule de remerciements indicibles, qu’une poignée de main traduirait mieux que je ne saurais le faire
à distance. Déjà l’année dernière je vous étais tout acquis ; mais aujourd’hui il me semble qu’il se mêle encore quelque chose de
plus sérieux et de plus tendre dans l’amitié que je vous garderai toujours. Mais pour suivre le nouveau précepte de M
r
le marquis
de Forbin-Janson qui veut qu’on garde de
justes termes
en toutes choses, passons (non pas
outre
...) mais au fait,
ET
CE
FAIT
NOUS
CONDUIT DROIT
EN
ENFER
.
J
E
VIENS DE RELIRE
LE
D
ANTE
,
ET
JE
SUIS
ENTIÈREMENT DE
VOTRE AVIS QUANT AU
RÉCIT
IMPERSONNEL
.
M
AIS
EN
REVANCHE
JE
CROIS
QU
IL
FAUDRA
FAIRE
PARLER
PERSONNELLEMENT
(
EN
CHŒUR
ET
AUSSI
EN
SOLOS
PLUS
BREFS
)
AU MOINS
PLUSIEURS
CATÉGORIES DE DAMNÉS
.
“Nous sommes les Áots et les ondes” etc.
[citation du premier poème du recueil d’Autran
Les Poèmes de la mer
]
“Nous sommes les hérésiarques” – etc.
E
T
MÊME
,
POUR
VARIER
,
PEUT
-
ÊTRE
SERAIT
-
IL
BON
QUE
DANS
UN
CERCLE
OU
2
LES
ESPRITS
INVISIBLES
CHARGÉS
DE
TOURMENTER
CES
PAUVRES
ÂMES
SE
CHARGENT
EUX
-
MÊMES
D
EXPLIQUER
AU
PUBLIC
LES
CRIMES
DES
RÉPROUVÉS
;
quelque pont-neuf littéraire et
musical dans ce genre : “Malheur à vous, qui passiez vos nuits dans les festins et les orgies (suit l’indication du supplice comme
contraste) ; malédiction sur vous” ; etc. etc. etc. pantouÁe
[expression servant à mettre un terme à une énumération]
.
V
OUS
SOUVIENT
-
IL DE
LA
FIN DU
PREMIER
ACTE DE
L
UCRÈCE
B
ORGIA
[
DE
V
ICTOR
H
UGO
] :
« Je suis MaͿei Orsini dont vous avez
assassiné... (je ne sais plus quel parent et à quel degré)... Je suis un tel, puis un tel”.
C
ETTE
SITUATION
A
FOURNI
L
ÉTOFFE D
UN
EXCELLENT
FINAL
À
D
ONIZETTI
[qui a adapté à la scène le drame de Hugo]
, et dans
notre œuvre cette forme sera toute naturelle et plus saisissante qu’aucune autre. Relisez donc la Àn du premier acte de Lucrèce
Borgia et si vous le trouvez bon servez-vous en.
I
L
Y AURA MATIÈRE À UN
CHŒUR
TRÈS
PIQUANT DES
PRODIGUES
ET DES
AVARES
ATTACHÉS
ENSEMBLE
et se choquant les uns contre les
autres et se maudissant mutuellement... presqu’à tous les cercles, le cadre me paravt excellent – à vous à le remplir. Bien entendu
qu’il faut garder et faire chanter les vers suprêmes :
“Per me si va nella città dolente
Per me si va nell’eterno dolore...
Lasciate ogni speranza”, etc.
[citation du chant III de « L’enfer »]
et puis ceux-ci encore :
“... Nessun maggior dolor
Che ricordarsi del tempo felice
Nella miseria...”
[citation du chant V de « L’enfer »]
[Ces deux citations seraient les seules à Àgurer dans sa
Faust-Symphonie
.]