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L
ES LETTRES DE
V
ICTOR
H
uGO ET D
’É
MILE
Z
OLA SONT PARTICuLIèREMENT BELLES
:
—
Pourquoi vous écrire ? Pour vous dire qu’on souffre avec vous. Car au-delà de ce partage de la douleur, il n’y a rien
de possible, et toute consolation échoue. Vous avez perdu votre compagnon dans la vie
[...]
votre ami au milieu des ennemis, une
moitié de votre âme
[...].
Plus d’une fois parmi les grandes et belles pensées qui vous viennent, vous reconnaîtrez un rayon
de lui, et vous lui direz : merci
(Hugo).
—
Je tiens encore à vous dire combien votre frère avait des amis inconnus, et je serais allé vous le dire de vive voix, si je
n’avais la religion de la souffrance. Il est mort, n’est-ce pas ? beaucoup de l’indifférence du public, du silence qui
accueillait ses œuvres les plus vécues. L’art l’a tué. Quand je lus « Madame Gervaisais », je sentis bien qu’il y avait comme
un râle de mourant dans cette histoire ardente et mystique ; et quand je vis l’attitude étonnée et effrayée du public en face
du livre, je me dis que l’artiste en mourrait. Il était de ceux-là que la sottise frappe au cœur
[...]
. Je voudrais pouvoir lui
crier maintenant que sa mort a désespéré toute une foule de jeunes intelligences
[...] (Zola).
Le témoignage des autres correspondants montre tout autant d’empathie à l’égard d’Edmond de Goncourt :
—
Croyez que personne n’a été plus touché de cette grande perte
(Michelet).
—
Une cordiale et douloureuse poignée de main, mon pauvre enfant ! Aurez-vous du courage ? Oui, si votre vie est la
continuation des travaux entrepris avec lui, aimés et désirés par lui
(George Sand).
—
Mon cher Edmond, envoyez-moi à Croisset de vos nouvelles. Je pense plus souvent à vous que vous ne le croyez peut-
être, & je vous plains comme je vous aime, c’est-à-dire profondément
(Flaubert).
— [...]
je pleure sur les longues souffrances de ce cher martyr, et je ne cesserai jamais de l’aimer
(Banville).
—
Quelle affreuse chose que la mort et quelle triste chose que la vie ! Je ne vous propose rien ; mais sachez que vous pouvez
regarder ma maison comme la vôtre
(la princesse Mathilde).
Edmond de Goncourt a enrichi ce recueil de nombreux articles de journaux de Théophile Gautier, Yriarte, Théodore de
Banville, Charles Monselet, Philippe Burty, Ernest d’Hervilly, Jules Claretie, Zola, Asselineau, etc., le tout monté sur
onglets à la suite des lettres.
L
E VOLuME SE PRÉSENTE DANS uNE SÉDuISANTE RELIuRE DE MAROquIN HABILLÉE D
’
uN MAGNIFIquE ÉMAIL PEINT PAR
C
LAuDIuS
P
OPELIN
,
GRAND ÉMAILLEuR DE L
’
ÉPOquE
.
En guise de quinzième témoignage, Edmond de Goncourt a en effet reçu, de la part de son ami Claudius Popelin, un
portrait de son frère Jules peint sur émail. Cet émail a été confié aux frères Lortic afin qu’il soit encastré dans le premier
plat de la reliure. Il porte au revers l’inscription suivante, recopiée par Edmond dans sa note autographe :
à mon ami Ed. de Goncourt
J’ai fait l’image de son frère
Jules,
en témoignage de vive affection
Claudius Popelin
Edmond de Goncourt, dans le
Journal des Goncourt
, t. IX, 1896, p. 276, évoque cet émail et écrit :
C’est une réunion de
tous les articles écrits sur la mort de mon frère, avec, en tête, les lettres d’affectueuse condoléance de Michelet, de Victor
Hugo, de George Sand, de Renan, de Flaubert,
[...],
portant, sur un des plats de la reliure, le profil de mon frère,
précieusement dessiné par Popelin, dans l’or de l’émail noir
.
Ce portrait sera par la suite reproduit à l’eau-forte.
Élève d’Alfred Meyer, Claudius Popelin (1825-1892) est principalement connu pour ses émaux peints, technique sur
laquelle il rédigea au moins deux traités. Il est cité par Beraldi dans
La Reliure du XIX
e
siècle
, t. II, pp. 170-172 (avec une
reproduction), qui signale une dizaine de reliures décorées d’émaux de cet artiste, certaines d’entre elles ayant appartenu
à Philippe Burty, Edmond About, la princesse Mathilde, etc. On sait que le cabinet des Goncourt recelait également une
autre reliure avec un émail de Popelin, recouvrant un exemplaire de
Manette Salomon
. quant à cette reliure au portrait de
Jules de Goncourt, elle est reproduite par Octave uzanne dans son ouvrage
L’Art dans la décoration extérieure des livres
en France et à l’étranger
(1898).
Le volume a figuré à la vente Goncourt de 1897, sous le n° 864. Il est conservé dans une boîte-étui de plexiglas.
É
MOuVANT TÉMOIGNAGE DES SENTIMENTS D
’E
DMOND DE
G
ONCOuRT POuR SON ALTER
-
EGO
,
PRÉMATuRÉMENT DISPARu
.