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239. RIMBAuD (Arthur). Lettre autographe à sa sœur Isabelle, signée

Rimbaud,

datée

Marseille le 24 juin 1891

,

2 pages recto-verso sur un feuillet in-4 (266 x 205 mm), enveloppe timbrée jointe, sous chemise demi-maroquin

noir moderne.

40 000 / 60 000 €

«

J

E MOURRAI OÙ ME JETTERA LE DESTIN

».

Lettre particulièrement désespérée. Rimbaud moribond évoque ses inquiétudes : son service militaire et sa santé.

Il a bien reçu sa lettre du 21 juin, mais est étonné de n’en avoir pas reçu d’autres, ni du Harar.

Quelle nouvelle horreur me racontez-vous ? Quelle est encore cette histoire de service militaire. Depuis que j’ai eu l’âge

de 26 ans, ne vs. ai-je pas envoyé d’Aden un certificat prouvant que j’étais employé dans une maison française, ce qui est

une dispense, - et par la suite quand j’interrogeais maman elle me répondait que tout était réglé, que je n’avais rien à

craindre

[...].

Moi je croyais tout cela arrangé par vous. A présent vous me faites entendre que je suis noté insoumis, que

l’on me poursuit

[…] qu’elle s’informe donc, mais très discrètement. Pas question pour lui de revenir à Roche :

la prison

après ce que je viens de souffrir, il vaudrait mieux la mort ! Oui, depuis longtemps d’ailleurs il aurait mieux valu la mort !

Que peut faire au monde un homme estropié ? Et à présent encore réduit à s’expatrier définitivement ! Car je ne reviendrai

certes plus avec ces histoires, — heureux encore si je puis sortir d’ici par mer ou par terre et gagner l’étranger.

Terrifié par cette menace, sans se rendre compte à quel point elle était dérisoire, Rimbaud se voyait déjà en prison pour

insoumission et obligea sa sœur à mille précautions inutiles, qu’elle accepta d’accomplir pour l’apaiser.

Puis il parle longuement de l’impossibilité de marcher, des névralgies qu’il ressent :

Quant à sortir avec des béquilles, je

ne vois pas à quoi cela peut servir

. Il aurait voulu revenir à Roche,

mais je vois que c’est impossible

(en fait, il y reviendra

le mois suivant). Il se résigne donc :

Je mourrai où me jettera le destin

. Il est cependant déterminé à retourner en Afrique.

[...]

J’y ai des amis de dix ans, qui auront pitié de moi, je trouverai chez eux du travail, je vivrai comme je pourrai. Je

vivrai toujours là-bas, tandis qu’en France, hors de vous, je n’ai ni amis, ni connaissances, ni personne.

Pour finir, il revient à sa hantise du service militaire : [...]

ne faites jamais savoir où je suis.

De la collection baronne Alexandrine de Rothschild (29 mai 1968, n° 93).

La lettre porte le chiffre 108, en haut au crayon rouge.

Correspondance

, éd. J.-J. Lefrère, Fayard, 2007, p. 901, et intégralement reproduite en hors-texte couleur ;

Œuvres

complètes

, éd. André Guyaux, Pléiade, 2009, p. 776-778.

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