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Sodome et Gomorrhe II :

à mon cher Robert

Son ami reconnaissant qui l’admire et qui embrasse dans leur totalité, mélancolique et douce,

tant de souvenirs de sa chère grand'mère, de ses sœurs aux cous merveilleux

Marcel Proust

Une des provenances les plus remarquables qui se puissent trouver.

Robert de Flers comptait en effet parmi les rares intimes de Proust, les amis de jeunesse auxquels

le romancier demeura fidèle sa vie durant, tels Lucien Daudet, Robert de Billy ou Robert Dreyfus.

L'amitié liant Marcel Proust et Robert Ango de la Motte-Ango, comte puis marquis de Flers

(1872-1927) remonte à 1892. Dans une lettre de janvier 1893 adressée à Robert Billy, il confiait :

“Il n’y a rien d’extrêmement changé dans ma vie sentimentale, sinon que j’ai trouvé un ami (...).

C’est le jeune et charmant, et intelligent, et bon, et tendre Robert de Flers.”

Ancien élève du lycée Condorcet, Flers joignit la petite troupe du

Banquet

, la revue fondée par

Marcel et ses amis. Le jeune homme semblait doté de tous les dons et fit l’admiration du futur

auteur de la

Recherche

. Il devint par la suite conseiller général, puis ambassadeur, et dirigea les

pages littéraires du

Figaro

. Il fut un auteur dramatique à succès (

Le Cœur a ses raisons, Miquette et sa

mère, Le Roi, L'Habit vert...

) qui lui valut un siège à l'Académie française en 1920. Cette carrière doit

beaucoup à Marcel Proust qui présenta Robert de Flers à Gaston de Caillavet ; ces deux derniers

formèrent un des plus brillants duos d’auteurs de comédies de boulevard.

Proust ne manquait aucune représentation des pièces de Robert de Flers dont il appréciait l'ironie

et la verve. En 1903, à la fin d'une représentation du

Sire de Vergy

, il confesse : “J’applaudissais si

fort que j’ai failli trois fois donner sans le vouloir des claques à mon voisin M. Hervieu.” Il prêta

l'esprit de Robert de Flers à la duchesse de Guermantes et à Swann.

L'amitié des deux hommes se renforça encore par leur prise de position commune en faveur

du capitaine Dreyfus. Les envois portés sur ces exemplaires de la

Recherche

– il y est question, à

plusieurs reprises, de

tendresse

, d'

admiration

, de

gratitude

, d'

affection

... – sont un vibrant et sincère

témoignage de cette affinité.

L’envoi porté sur

Sodome et Gomorrhe II

, dernier volume paru du vivant de Proust,

quelques mois seulement avant sa mort, est sans doute le plus beau.

Marcel revient sur une amitié de trente ans et y associe le souvenir de la grand-mère de Robert

de Flers, Mme de Rozière. Proust avait une grande affection pour celle à laquelle il consacra un

article nécrologique dans

Le Figaro

en 1907 sous le titre :

“Une grand-mère”

. “Rien ne dure, pas

même la mort ! Mme de Rozière n’est pas encore en terre, et déjà elle recommence à s’adresser

assez vivement à moi pour que je puisse m’empêcher de parler d’elle. (...) Personne ne m’aura

mieux compris que Robert. Il aurait fait comme moi. Il sait que les êtres que l’on a le plus aimés,

on ne pense jamais à eux, au moment où on pleure le plus, sans leur adresser passionnément

le plus tendre sourire dont on soit capable.”

Reliures modestes et fragiles, avec quelques restaurations.

80 000 / 120 000 €