Un peintre, marqueteur… et imprimeur vénitien, dans le sillage de Piero della Francesca.
Longtemps attribué à l’atelier du Milanais Antonius Zarotus, ce livre remarquablement imprimé –
lettres rondes fines et élégantes, ordonnance typographique harmonieuse et aérée – a désormais
rejoint la petite vingtaine d’impressions réalisées par le typographe, peintre et marqueteur italien
Lorenzo Canozio (1425-1477).
Il fut, avec son frère Cristoforo, un des maîtres de l’art de la marqueterie au milieu du XV
e
siècle : les
deux frères étaient en contact avec Piero della Francesca et probablement avec Alberti, qui a pu faire
appel à eux en tant que décorateurs d’églises.
Les frères Canozio ont d’ailleurs réalisé pour Federico da Montefeltro des panneaux en marqueterie
représentant la “Cité idéale”, d’après les peintures inspirées par les écrits d’Alberti. Lorenzo Canozio
pratiqua aussi la peinture, attestée par Vasari, mais aucune de ses œuvres n’a survécu.
Canozio commença à imprimer vers 1470, mais
Deifira
et
Hecatomphila
sont, avec un autre ouvrage de
Leon Battista Alberti :
Storia de Ippolito Buondelmonti e Leonora de’ Bardi
, les premiers livres qui peuvent
être attribués avec certitude à son atelier. On a avancé que non seulement Canozio soignait le choix
des papiers, mais qu’il grava et fondit ses propres caractères, une hypothèse que la typographie de
cette
Deifira
, imprimée sur vergé fort, tendrait à confirmer.
Une rareté littéraire.
Seize exemplaires de
Deifira
sont répertoriés dans le domaine public : quatre en Grande-Bretagne,
deux en Allemagne, trois en Italie, un aux Pays-Bas, un en Autriche, deux aux États-Unis et trois en
France. Mais, comme pour nombre d’incunables préservés très tôt dans les bibliothèques publiques,
cette abondance relative ne doit pas masquer la rareté du livre en mains privées.
Exemplaire à grandes marges et non lavé.
Mouillure dans la marge inférieure ; taches et petites galeries de ver sans gravité. Le premier et le
dernier feuillets salis sur leur face extérieure. Le dos de la reliure a été refait.
Provenance : “
Di Pietro Spini. 1605. In Padova
” (mention à la plume dans la marge inférieure du
premier feuillet). L’identité de ce collectionneur demeure un mystère : il ne peut s’agir du poète et
historien italien Pietro Spini, ou Spino, mort en 1585, ni de son concitoyen homonyme, médecin
et littérateur mort vers 1538.- Ex-libris aux initiales RR avec la devise “Otium sine literis [sic]
mors est”.
Goff, A 212 ; H 422*.- Ridolfi, pp. 29-48.- CIBN, A-110.- Proctor, 7346.- GW, nº 576.- Sur le contenu et le style de l’œuvre, voir Amalia
Cecere,
Deifira
,
Analisi tematica e formale
, Naples, 1999.
80 000 / 120 000 €