2
ALBERTI, Leon Battista.
Deifira.
Sans lieu ni nom
[Padova, Lorenzo Canozio],
1471.
Petit in-4 en lettres rondes de (20) ff. ; chagrin brun du XIX
e
siècle, dos lisse refait, triple filet
à froid encadrant les plats, coupes et bordures intérieures décorées, tranches dorées.
Édition originale.
Premier livre d’un écrivain encore vivant au moment de sa publication – premier “livre d’auteur”
en quelque sorte.
Il s’agit donc du premier ouvrage imprimé méritant pleinement le titre
d’édition originale
– le titre
d’édition “princeps” étant réservé aux livres publiés dans leur langue originelle et dont les auteurs
étaient disparus avant l’invention de l’imprimerie.
Un des premiers écrits en langue vulgaire du littérateur et architecte italien Leon
Battista Alberti (1404-1472), figure emblématique de la Renaissance.
Ce singulier
Ars amandi
– ou plutôt
Ars non amandi
– a été rédigé entre 1428 et 1432, pendant la période
la plus obscure de la vie de l’auteur, qui venait de soutenir son doctorat en droit canonique à Bologne
et n’avait pas encore mis ses talents au service de la papauté.
À l’époque de l’impression de
Deifira
, Alberti vivait à Rome et s’occupait essentiellement d’architecture
tout en continuant à cultiver littérature et philosophie. La rédaction, vers 1468, de sa dernière
œuvre en vulgaire, le dialogue
De Iciarchia
, est sans doute à l’origine de la publication de
Deifira
et
d’
Hecatomphila
, parues en même temps, petits traités dialogués qui avaient longtemps circulé sous
forme manuscrite.
Le dialogue de
Deifira
, un des fleurons de ces “remèdes d’amour” hérités d’Ovide en vogue à la
fin du XVI
e
siècle, met en scène deux jeunes hommes : Filarco, victime de l’inconstante Deifira, et
Pallimacro. Ce dernier prodigue à son ami malheureux des conseils sur la façon d’aimer – s’il faut
vraiment aimer – en pratiquant une
affectio
ascétique dépourvue de soupçon qui seule garantit la
liberté et la tranquillité nécessaires à l’amant idéal. La charge principale est portée contre l’amour
“mal commencé” (
mal principiato
), placé sous le signe de la passion et de l’inquiétude.
Comme les autres textes de Leon Battista Alberti consacrés au sujet – dialogues, poèmes ou nouvelles –
cette critique de l’amour passion ne vise en définitive qu’un but : favoriser la mission du lettré en
dégageant de son chemin les obstacles sentimentaux susceptibles de troubler son esprit entièrement
voué à l’étude et à l’écriture.
Alberti multiplie “les notes psychologiques poignantes et délicates, excellant dans l’expression de la
pensée méditative qui accompagne la douleur, l’admiration pour les sages et les courageux, conscients
de leurs possibilités et de leurs humaines limites. (…) Le résultat est une prose d’une grande hauteur
et noblesse que sa richesse isole complètement des autres ‘traités d’amour’ composés à la même
époque” (A. Cecere).