Les différents envois inscrits par Stéphane Mallarmé sur chacun des neuf fascicules expriment
une gradation de sentiment. Le poète fit ainsi hommage de son recueil en indiquant, après la
numérotation de chaque volume portant “Exemplaire nº 1”, la destination :
de la très chère Méry
de la très blonde Méry
de la très blanche Méry
de la très bonne Méry
de la très jeune Méry
de la très tendre Méry
de la très sage Méry
de la très belle Méry
de la très Méry Laurent
Stéphane Mallarmé et Méry Laurent se rencontrèrent probablement dès la publication de
L'Après-midi d'un faune
en 1876, par l'intermédiaire du peintre Édouard Manet, dont elle fut à la fois
la maîtresse et le modèle. Des témoignages indirects laissent à penser que la liaison du modèle et
du poète débuta quelques années plus tard, en 1885.
“Adulé, entouré, Mallarmé devient peu à peu et malgré lui un homme public. Au même moment,
objet d'une création privée non moins étincelante, Méry Laurent, dont la grâce et l'enjouement
le captivent, se voit gratifiée par lui d'un
Rondel
exprimant une scène d'intimité” (Steinmetz,
Stéphane Mallarmé
, p. 237). Cet amour probablement platonique fut une source d'inspiration
privilégiée pour Mallarmé. Plusieurs poèmes sont dédiés à Méry –
Ô si chère de loin..., Dame, Sans
trop d'ardeur..., Éventail de Méry Laurent…
–, sa rose carnation et sa blondeur prolongeant l'érotisme
vaporeux du
Faune
. De nombreux
Vers de circonstance
furent également inspirés à Mallarmé par son
“petit paon”, et apportèrent un peu de légèreté au rêveur plongé dans la métaphysique du Livre,
un moment diverti du vertige de la page blanche par le “rire qui secoue / votre aile sur les
oreillers” (
Rondel
).
Remarquable collection complète.
Quelques piqûres, notamment aux troisième et neuvième fascicules. Une ou deux pliures aux
couvertures.
Galantaris,
Verlaine, Rimbaud, Mallarmé
, nº 334 : “Les manuscrits, après une légère réduction, ont été photolithographiés
principalement par Lemercier pour trouver leur juste place à chaque page.”-
En français dans le texte
, Paris, 1990, nº 302.- Carteret,
II, pp. 96-97.
200 000 / 300 000 €