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les collections aristophil
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ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY (1900-1944)
Pilote de guerre
: manuscrit autographe et dactylographié,
abondamment raturés et corrigés. [Vers 1940-1941].
124 p. sur 124 f. in-4 (dimensions diverses) de divers
papiers, encre et crayon de différentes couleurs, foliotation
autographe et postérieure partielles.
150 000 / 200 000 €
EXCEPTIONNEL MANUSCRIT ORIGINAL DE
PILOTE DE GUERRE
CORRESPONDANT AUX CHAPITRES V, IX, X, XIV, XVI, XX, XXI ET
XXIII-XXVII.
Exilé outre-Atlantique, Saint Exupéry ressent la nécessité d’écrire
un texte célébrant l’héroïsme des aviateurs qui ont lutté, en vain
jusque-là, pour la liberté de la France. Il veut ainsi contribuer à
réveiller aux États-Unis l’estime pour sa patrie que la défaite ne
suscitait plus et conduire l’opinion publique américaine à accepter
l’idée d’un engagement des États-Unis dans la guerre.
Texte engagé de circonstance,
Pilote de guerre
apparaît aussi
« comme un livre d’une richesse inépuisable et comme une somme
de l’œuvre de Saint-Exupéry » (P. Bounin).
La Bibliothèque nationale de France conserve un important
manuscrit composite de cette œuvre qui lui donné par Helen Mac
Kay, la marraine de Nada de Bragance à laquelle Saint Exupéry offrit
justement une dactylographie aboutie du même ouvrage. C’est le
seul manuscrit identifié par les éditeurs de ses
Œuvres complètes
.
Celui que nous présentons ici revêt donc une importance historique
et littéraire majeure.
À l’instar de celui de la Bibliothèque nationale de France, notre
manuscrit est composé de pages entièrement manuscrites (69)
et de pages entièrement dactylographiées ou partie manuscrites,
partie dactylographiées, montées parfois par le biais de collages
rappelant les paperolles proustiennes, le tout ardemment raturé
et corrigé par l’auteur. La graphie de Saint Exupéry présente de
grandes variations : ample et lisible quand elle est au crayon, elle
est, à l’encre, très serrée et plus hâtive. De longs passages semblent
avoir été écrits d’une traite, presque sans hésitation, alors que
d’autres gardent la marque de reprises minutieuses qui témoignent
bien, comme dans les autres manuscrits de l’écrivain, « malgré
l’urgence et l’angoisse, du même souci d’atteindre à l’expression la
plus sobre et la plus exacte de sa pensée, du même travail sur le
détail de l’écriture » (P. Bounin).
Les variantes avec le texte publié sont donc très nombreuses et
plusieurs passages sont inédits. Quelques exemples :
- chapitres V et IX (6 f.) : état très ancien du texte, comportant des
passages insérés ensuite dans les mêmes chapitres ou d’autres ; un
plan intitulé « La guerre. Thèmes », dans lequel l’auteur semble avoir
organisé en groupes et en sous-groupes plusieurs thématiques :
« Histoire d’une mission », « Vie du groupe », « Armistice », etc. ;
- chapitre X (1 f.) : paragraphes qu’on retrouvera, très modifiés,
dans le texte publié, avec ici en incipit cette question plusieurs fois
répétée : « Attention à quoi ? Commandant Alias ? » ;
- chapitre XVI (1 f.) : très beau passage, d’un état ancien du texte :
« Je me souviens d’une impression saisissante : nous contournions
mon groupe et moi ce jour-là dans un village que traversait le flot
de réfugiés. Le passage de ces réfugiés avait rongé ce village jusqu’à
l’os. Il n’y avait plus de boîtes de conserve sur les étagères des
épiceries. Sauterelles sur macadam. Une femme nous a demandé
du lait… - mais il n’y avait point de lait ici. Peut-être au village
suivant mais combien d’heures fallait-il, par une route entièrement
embouteillée pour atteindre le village suivant ? Et tout à coup la
vie de cet enfant qui n’avait pas tété depuis la veille s’est trouvée
soumise à la rotation des aiguilles d’une montre. […] Ils ont disparu
mais tout l’après-midi j’ai regardé l’horloge du village. Combien
d’enfants écrasait-elle ainsi en tournant lentement… Nous étions
au sommet de l’urgence et déjà ça ne l’était plus. Toute cette
population renonçait à l’urgence. Elle était suspendue en équilibre
instable entre l’espoir et l’attente. […] » ;
- chapitres XX et XXI (3 f.) : les paragraphes sont dans un tout autre
ordre que celui du texte publié, l’un d’eux est supprimé par des
hachures et un autre passage au cours duquel Saint Exupéry passe
devant un tribunal n’est pas sans rappeler
Lettre à un otage
dont,
justement, une partie dactylographiée contient un extrait ;
- chapitre XXV, le plus développé dans ce manuscrit avec près de
80 pages dont la moitié manuscrites.
PROVENANCE :
Vente anonyme à Paris, le 16 mai 2012, lot 393
Quelques taches ; quelques pliures et déchirures marginales,
certaines avec manque