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les collections aristophil
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ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY (1900-1944)
Derniers chapitres de
Pilote de guerre
: manuscrit
autographe raturé et corrigé. [Vers 1940-1941].
15 p. sur 15 f. in-4 (28 x 21,5 cm) de papier pelure américain
« Esleeck Fidelity Onion Skin », crayon noir, foliotation
autographe au crayon noir (1-15) et foliotation postérieure
au crayon rouge (4-18).
40 000 / 60 000 €
TRÈS PRÉCIEUX MANUSCRIT DE TRAVAIL DES DERNIERS
CHAPITRES DE
PILOTE DE GUERRE
.
Outre un manuscrit, de présentation semblable, conservé à la
Bibliothèque nationale de France, on ne connaît de cette œuvre
que quelques dactylographies. Le présent manuscrit est donc le
seul autre état manuscrit connu. Il contient, avec des variantes
importantes, des passages significatifs de la fin de
Pilote de guerre
mais aussi d’autres qui prendront place dans
Citadelle
, Saint Exupéry
rédigeant ces deux textes à la même époque. Cependant, malgré les
remaniements postérieurs, on reconnaît notamment des passages
des chapitres XXV (f. 1-3), XXVI (f. 4-10) et XXVII (f. 11-15) de
Pilote
de Guerre
, jusqu’à l’avant-dernier chapitre, ainsi qu’un passage de
Citadelle
(chap. LX, f. 3). Saint Exupéry y évoque son inquiétude
pour ses hommes, la mort, le retour à la base, ses rapports avec
le commandant Alias, l’incendie d’Arras, la vision rougeoyante
de l’horizon et le monde des hommes vu de haut, précédant le
chapitre revenant sur le quotidien, avec ses camarades, la guerre
et le Groupe 2/33.
« Je ne l’appauvrirai pas si je diffère de lui. L’homme de ma
civilisation est augmenté par la richesse de l’autre. Qui diffère
de lui l’enrichit. Nul ne ressemble à l’autre au groupe 2/33. Et
cependant le groupe est un. Ma civilisation absorbe les diversités
particulières. […] Un arbre est un malgré ses racines, son tronc, ses
branches et ses fruits. La cathédrale est une malgré ses colonnes,
ses vitraux, ses orgues, ses statues […]. » (f. 2-3 ;
Pilote de guerre
dans Œuvres complètes, II, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p
216) ;
« Un fermier, s’il reçoit quelque vagabond à sa table, l’accepte
tel quel, avec ses [
?
]. Le chemineau, s’il est boiteux, pose son
bâton dans un coin. Un fermier ne lui demandera pas de danser,
mais il lui fera raconter ses longs cheminements sur les routes.
Et le chemineau parlera en ambassadeur d’une patrie garnie de
fermiers. Et un fermier, pour le chemineau sera l’ambassadeur du
blé. […] Les gendarmes protègent le fermier - le fermier cependant
sauvera dans sa grange à foin le chemineau des gendarmes. […] »
(f. 3 ;
Citadelle
dans Œuvres complètes, II, Bibliothèque de la
Pléiade, 2009, p 506) ;
« Mon égalité était vidée de sens. Les hommes étaient égaux en Dieu
car on est frères en quelque chose, on n’est pas frère tout court.
Les pierres sont égales en la cathédrale. L’égalité des pierres ne
signifie plus rien s’il n’est rien qui les unisse et en quoi elle se fonde.
Ainsi le soldat et le capitaine sont égaux en la nation. C’est pourquoi
Pascal et le soutier étaient égaux en Dieu. Je comprenais clairement
pourquoi à la fin il était interdit à Pascal de réduire le soutier en
esclavage, pourquoi il lui était évident d’engager au besoin sa vie
pour le soutier - et pourquoi cette soumission n’abâtardissait pas
Pascal et ne le soumettait pas à la médiocrité du soutier. L’individu
dont l’évêque lavait les pieds n’avait pas droit d’exiger pour soi cette