Previous Page  70 / 148 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 70 / 148 Next Page
Page Background

68

les collections aristophil

86

ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY (1900-1944)

Terre des hommes

 : brouillon autographe, abondamment

raturé et corrigé. [Vers 1939].

18 p. sur 19 f. in-4 (dimensions diverses) de divers

papiers, encre noire et bleu foncé, crayon noir, foliotation

autographe partielle (I-XV).

50 000 / 80 000 €

TRÈS IMPORTANT BROUILLON D’UNE VERSION INÉDITE D’UN

PASSAGE DE

TERRE DES HOMMES

.

Ce manuscrit constitue la première ébauche d’un texte qui,

retravaillé, a figuré dans l’édition américaine de

Terre des hommes

mais pas dans l’édition française, et que Saint Exupéry publia à

part dans l’hebdomadaire illustré

Marianne

le 16 août 1939. Inséré

dans le recueil posthume

Un sens à la vie

(1956), il fut ensuite édité

en appendice à

Terre des hommes

sous le titre « Le Pilote et les

puissances naturelles » (Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la

Pléiade, 2009, p. 287-296).

Dans ce texte, dont la version présentée ici est très différente de

celle qui fut publiée, Saint Exupéry livre un récit palpitant du vol

durant lequel il fut pris dans un cyclone au-dessus de la Cordillère

des Andes alors que, à la fin des années 1920, il naviguait en

direction de Comodoro Rivadavia, en Patagonie, pour défricher le

dernier tronçon de la ligne reliant cette ville à Punta Arenas.

« Conrad, s’il raconte un typhon, décrit à peine les vagues

monumentales, les ténèbres et l’ouragan [et l’effroi

/

l’épouvante

des hommes

biffé

]. […] Conrad ne nous montre du typhon que le

drame social.

Nous avons tous connu cette impuissance à transmettre nos

témoignages quand, après la tempête, une fois réunis comme

au bercail dans le petit restaurant de Toulouse sous la protection

de la servante, nous renoncions à raconter l’enfer. Notre récit,

nos gestes, notre claire [

?

] eussent fait sourire les camarades

comme des naïvetés [exagérations

biffé

] d’enfant. Ce n’est point

par hasard. Le cyclone dont je vais parler est bien l’expérience

la plus saisissante, dans sa brutalité, qu’il m’ait été donné de

subir. Et cependant, passé une certaine mesure, je ne sais plus

traduire la violence des remous sinon en multipliant les superlatifs

qui ne charrient [transmette

biffé

] plus rien, sinon un goût gênant

d’exagérations.

J’ai compris lentement la raison de cette impuissance : on veut

décrire un drame qui n’a pas existé. Si l’on échoue dans l’évocation

de l’horreur, c’est que l’horreur, on la subit en l’inventant après

coup, [en] trichant sur les souvenirs. Mais l’horreur ne se montre

pas dans le réel. […] »

Quelques taches ; quelques pliures et déchirures marginales ;

manque marginal au premier feuillet