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les collections aristophil
littérature
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EXEMPLAIRE DE SÉBASTIEN
LE PRESTRE DE VAUBAN
COMPORTANT QUATRE PAGES
DE NOTES AUTOGRAPHES
SÉBASTIEN LE PRESTRE
DE VAUBAN (1633-1707)
Projet d’une dixme royale,
(Rouen) 1707. In-4 (251 x 190 mm).
Veau fauve de l’époque, triple filet
à froid en encadrement sur les
plats, dos à nerfs orné de fleurs de
lys, pièce de titre maroquin rouge,
roulette dorée sur les coupes,
tranches marbrées.
4 ff., 204 pp., 19 pp. pour l’index,
1 p. d’errata, un tableau dépliant.
180 000 / 200 000 €
Très rare édition originale.
Les Arrêts du Conseil privé du roi devaient
enjoindre que tous les exemplaires (au
nombre de 276) fussent saisis, confisqués
et mis au pilon » (En Français dans le texte
n°134).
Imprimée furtivement à quelque trois cents
exemplaires hors commerce, sans nom d’auteur,
la Dîme royale fut condamnée à la destruction
par le Conseil privé du roi Louis XIV le 14 février
1707. Les finances étant du domaine réservé de
la monarchie, l’ouvrage ne manqua pas de faire
grand bruit à Paris et à la Cour. Le maréchal de
Vauban avait pris le risque de faire circuler son
projet de réforme en usant de tout son crédit de
grand serviteur de l’Etat. Sa disgrâce et sa mort,
le 30 mars, dénouèrent la crise. Au déclin du
grand règne, le maréchal formule un programme
trop en avance sur son temps et préconise une
dîme proportionnelle aux revenus qui viendrait
se substituer aux autres impôts, frappant toutes
les classes confondues. Le Projet ruinait le
pouvoir des privilégiés et des financiers. « La
robe entière en rugit pour son intérêt », écrit
Saint- Simon. L’ouvrage révèle le démographe,
l’ingénieur, le statisticien, l’agronome. Il évalue
la population du royaume à dix-neuf millions
de sujets (la sous-estimant de dix pour cent
seulement), quand on pourrait en nourrir aisé-
ment vingt et- un millions, juge-t-il. Exceptionnel
exemplaire de Vauban lui-même comportant
quatre pages de notes autographes jugées alors
bien trop hardies pour être publiées. Les armes
gravées de l’auteur sont collées sur le titre, et
en guise de bandeaux et culs-de-lampe pour
chaque chapitre. Les quatre pages de notes et
corrections sont intercalées entre les pages 170
et 171 ; les pages 171 à 174 étant elles-mêmes
raturées par endroits. On citera ce passage qui
donne le ton : « Il faut distinguer deux sortes
de nobles : les uns qui le sont par le mérite
et les services que leurs ancêtres ont rendus
à l’État, ou qu’ils ont rendu et rendent encore
eux-mêmes ; les autres pour avoir acheté la
noblesse par argent. Les uns sont utiles à l’État,
parce qu’ils le soutiennent et lui font honneur,
au lieu que les autres lui sont à charge, comme
il a été montré au commencement de ce traité.
Ainsi, ce qui va être dit regarde la véritable
noblesse, dont il serait bon de faire un catalogue
dans chaque province, et même dans chaque
généralité, pour ne pas s’y méprendre.
»
Ce précieux exemplaire est cité par Brunet
(Supplément II, 848).
Rousseurs, reliure restaurée, charnières
fragiles.
référence
En français dans le texte, BN, 1990, n° 134.
Schumpeter, Histoire de l’analyse écono-
mique I, 1983, pp. 287-288 : «
Un des travaux
remarquables dans le domaine des finances
publiques, inégalé avant ou après dans la
clarté et la force de l’argument (...). Jamais
personne ne comprit mieux la véritable rela-
tion entre les faits et l’argumentation. C’est
ce qui fait de lui un classique de l’économie.
» Quentin, Fleurons de la Bodmeriana, 2005,
n° 44.
provenance
Henri de Lassize (cat. II, 1867, n° 1288). La
collection de ce bibliophile éminent offrait
une réunion incomparable de livres précieux
consacrés à l’histoire des idées et à l’éco-
nomie politique.