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17

littérature

911

BARBEY D’AUREVILLY JULES

1808 1889

L.A.S,

Paris 6 mars 1842,

à Madame G. de VILLAINE,

au château de Saint

Jean,

près de Mortain (Manche)

;

2 pages et demi in-4.

1 500 / 2 000 €

Longue et belle lettre de jeunesse à la mère

d’un ami emprisonné. Il n’oublie pas la

bienveillance de cette femme à son égard

mais est forcé de lui écrire avec rudesse.

[…] « Votre fils est en prison, Madame, il y

est par vous sa mère qui ne pouvait pas

ne pas l’aimer… Il a été arrêté à six heures

du matin par des hommes de police, des

hommes ignobles et qui pourtant se sont

étonnés qu’une mère ait eu le cœur de

faire arrêter son fils, sous l’infâme prétexte

d’escroquerie, et qui depuis dix ans qu’ils

arrêtent et qu’ils emprisonnent, n’avaient

pas rencontré chose pareille… Il a passé une

nuit qu’il n’oubliera plus, avec des assassins,

des voleurs, le rebut gâté d’une population

de grande ville… Vous avez brûlé le cœur

de Victor de toutes les manières – maté-

riellement, en le privant de sa liberté et en

le soumettant à l’a reux traitement des pri-

sons – moralement, en l’accusant d’un fait

honteux, en lui arrachant tout crédit, en le

frappant dans ce qui lui restait d’avenir… Ne

vous repentirez-vous pas un jour d’avoir

risqué autant que vous risquez ? Et n’est-ce

rien quand vous auriez pu tout étou er du

scandale a reux qui menace… N’est-ce rien

que de s’aliéner le cœur d’un fils qui vous

aimait qui a pu avoir des torts vis-à-vis de

vous, mais qui vous aimait ? […] Est-ce donc

un préjugé que la solidarité du nom qu’on

porte ? Et l’opinion ne vous condamnerait

pas, vous une mère ! Plus cruellement que

le fils que vous auriez fait condamner je ne

vois que malheur pour vous dans les consé-

quences de votre démarche. Je ne viens

pas de vous demander de renoncer à une

poursuite qui personnellement me désole.

Que suis-je pour vous demander quoi que

ce soit ? L’ami de Victor, de votre fils, dont

vous semblez vouloir la perte […] »

Superbe document.