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littérature

le temps de vous glisser une pauvre petite caresse de rien du tout

sous peine de vous voir grogner de ce que je vous dérange dans

votre hideuse occupation. Je ne vous en garde pas rancune mais je

bisque et je vous adore. Juliette ».

Étonnante lettre qui témoigne du quotidien de Juliette Drouet aux

côtés de Victor Hugo, et qui met en avant l’admiration qu’elle lui

porte, mais aussi la frustration qu’elle éprouve à le voir immergé

dans ses occupations littéraires.

Juliette Drouet (1806-1883) commença une carrière de comédienne

en 1829 à Bruxelles et la poursuivit à Paris. En 1833, elle fit la rencontre

de Victor Hugo, qui lui demanda d’abandonner sa vocation pour se

consacrer entièrement à lui. Elle vécut dévouée à lui sans jamais

partager son toit, même après l’avoir accompagné lors de ses exils

à Jersey (1852) et Guernesey (1855). Gérard Pouchain, auteur d’une

biographie qui lui est consacrée, souligne les qualités d’écriture des

lettres qu’elle lui écrivit.

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DROUET JULIETTE (1806-1883)

Lettre autographe signée adressée à Victor HUGO

S.l., 30 août 1850, 4 pages in-8 à l’encre sur papier bleu

800 / 1 000 €

Belle lettre amoureuse de Juliette Drouet à Victor Hugo.

« Bonjour mon toto, bonjour mon tant doux, mon tant bon, mon tant

beau, mon tant adoré toto, bonjour. Tu sais, ou plutôt tu ne sais pas

que j’ai pris cette nuit et ce matin une partie de ma dernière médecine

Kunckel. Aussi je t’écris entre deux coliques et du style le plus piteux

du monde. Demain cette atroce ordure sera finie, grâce au ciel, mais

somme toute, je trouve la guérison bien médiocre et relativement

négative eu égard au magnifique résultat qu’on me promettait de

ce couteux traitement. Ce md d’onguent d’orvietan n’a pas démenti

la noble famille de charlatan à laquelle il appartient plus ou moins.

Après cela, il est vrai que, pour ne pas se trouver en flagrant délit de

charlatanisme, il a eu la précaution de me prescrire 15 bains de mer

que je ne pouvais pas prendre [...] C’est une assez absurde position

que celle où je me trouve, mon cher petit bonhomme, et peut être

vaudrait-il mieux, que je ne veuille pas courir deux lièvres à la fois

et m’en tenir à mes borborygmes seulement sans y entremêler des

soupirs d’amour très peu en rapport avec la situation. J’aurais voulu

porter moi même ton ravissant dessin à cette pauvre malade pour

être témoin de sa joie mais le temps est si maussade que je ne sais

pas si je pourrai accomplir ce projet. En général [...] il n’y a pas un de

mes désirs petit ou grand qui ne soit contrecarré par de stupides et

agaçants empêchements. En attendant mon cher adoré bien aimé, je

te remercie pour elle et pour moi et je te bénis de toutes mes forces

et de toute mon âme. Juliette. »

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