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« Cet ensemble de cent eaux-fortes, considéré comme le chef-d’œuvre gravé de Pablo Picasso, est

auréolé de mystère tant lors de sa commande que lors de sa dispersion. En effet, si le projet fut évoqué entre

Ambroise Vollard et le peintre catalan au début des années 1930 ou peut-être même quelque temps auparavant,

il n’existe pas de contrat en bonne et due forme. L’accord entre les deux hommes se serait apparenté à une

sorte de troc, le marchand cédant à l’artiste des toiles qu’il souhaitait contre la remise d’un certain nombre de

planches.

Ce qui est certain est que dès septembre 1930 Picasso grave dix-neuf cuivres datés du 16 septembre 1930

au 29 septembre 1931 dont dix feront partie de la

Suite.

Il réside alors au château de Boisgeloup en Normandie

et est dans une intense période créative. Viennent ensuite, du 31 juillet 1932 à décembre 1934, quatre-vingt-six

cuivres auxquels s’ajoute le 12 juin 1936

Faune dévoilant une dormeuse

. De très nombreux thèmes sont abordés :

l’atelier de l’artiste, le Minotaure, Rembrandt, le viol... que closent les trois portraits d’Ambroise Vollard, exécutés

en 1937.

L’impression, confiée à Roger Lacourière, est faite sur planches légèrement aciérées et sur trois supports

différents : parchemin, petit papier Montval, grand papier Montval, et donne lieu à un nombre impressionnant

d’épreuves, 31 000.

Quelques épreuves seulement sont alors signées par l’artiste car Ambroise Vollard décède d’un accident de

la route le 22 juillet 1939. Les exemplaires de la

Suite

sont entreposés dans l’hôtel particulier du défunt marchand

au 28 rue de Martignac dans le VII

e

arrondissement de Paris.

Henri M. Petiet dit avoir vu la

Suite

pour la première fois en août 1941. Il est ébloui et réussit à s’en porter

acquéreur auprès de Lucien Vollard, frère d’Ambroise, et de son associé Martin Fabiani. Aucune trace de cette

négociation n’a été trouvée. Quant au montant, si certains prix ont été avancés, impossible de mettre la main

sur une preuve comptable.

Bien qu’Henri M. Petiet ait réglé l’intégralité des cent planches, manquent les trois portraits de Vollard,

achetés par un confrère, Marcel Lecomte. Petiet se fera fort de les obtenir à chaque transaction.

Petiet vend sa première

Suite

en 1950 à l’un de ses meilleurs clients, l’Américain Lessing J. Rosenwald. De

cette date, il n’aura de cesse de faire signer Picasso jusqu’au 9 juillet 1969. Ce jour-là, Picasso demande à Petiet

de lui offrir une

Suite

pour sa femme Jacqueline. Le marchand s’y refuse. Plus aucune

Suite

ne sera signée par

le Maître qui décède le 8 avril 1973.

La

Suite Vollard

présentée ici a une valeur particulière. Entièrement signée par Picasso et imprimée sur petit

papier Montval, elle avait été réservée par Henri M. Petiet pour lui-même. Il s’agit donc d’un ensemble unique. »

Christine Oddo (auteur de

L’Art et son marchand

,

Henri Marie Petiet

, Paris, Éditions des Cendres, 2017).