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(1905-1995)
Exemplaire entièrement rubriqué en rouge
et bleu, pourvu d’une lettrine peinte et
dorée, et enrichi d’une vignette gravée du
XVI
e
siècle collée sur la première page de
texte. Il comporte également quelques notes
manuscrites de l’époque ou du début du XVI
e
siècle.
SUPERBE RELIURE À ENTRELACS EXÉCUTÉE
DANS LES ANNÉES 1880 PAR LE CÉLÈBRE
FAUSSAIRE THÉODORE HAGUÉ (1823-1891).
Hagué avait été formé à Reims chez le relieur
Jean-Baptiste Tinot dont la spécialité était,
d’après sa publicité, la « Reproduction de
Reliures Antiques de toutes les époques ».
Il partit pour Londres en 1858 où il travailla
dans l’atelier du relieur Joseph Zaehnsdorf
(1816-1886), relieur du roi de Hanovre, qui
réalisait des reliures « in the Monastic, Grolier,
Maioli and Illuminated styles ». C’est dans la
capitale anglaise qu’il rencontra le fameux
libraire Bernard Quaritch (1819-1899) ainsi
que Guillaume Libri (1803-1869) qui le guida
dans la restauration des reliures anciennes
authentiques. C’est à son retour en France
à la fin des années 1860, qu’il commença la
restauration d’ouvrages anciens et la réalisation
des fausses reliures, ayant alors pour clients
Joseph Renard ou encore Ambroise-Firmin
Didot. Après la guerre franco-prussienne, il
fut contraint par ses créanciers de quitter la
France pour la Belgique. Il installa son atelier à
Bruxelles sous le faux nomde J. Caulin et réalisa
de nombreuses reliures rétrospectives du XVI
e
siècle qu’il proposait comme authentiques
à Quaritch. Celui-ci finit par avoir des doutes
quant à l’authenticité des reliures vers la fin des
années 1880, renvoyant à Caulin une reliure
aux armes de Catherine de Médicis qui lui paraissait récente. Hagué mourut en Normandie en 1891. (Éléments biographiques
tirés de l’article
Nouvelles découvertes sur le relieur Théodore Hagué
de Jean-Paul Fontaine publié en 2013).
Dans les années 1880, Quaritch vendait les reliures de Hagué à Charles-Fairfax Murray, mais surtout à l’homme d’affaires
John Blacker (1823-1896) qui devint le seul client de ces reliures à partir de 1885 ; il en acheta 109, toutes avec des supposées
provenances prestigieuses (Diane de Poitiers, Jean Grolier, Thomas Mahieu, Anne de Montmorency, François I
er
, Henri II, etc.),
qui furent dispersées dans une vente anonyme chez Sotheby’s en 1897.
Cet exemplaire fait partie de l’une de ces 109 reliures acquises par Blacker, décrite sous le numéro 59 du catalogue de la
vente de 1897. Il s’agit d’une des 11 fausses reliures Grolier qu’il posséda, celle-ci reproduisant un décor d’entrelacs peints,
typique des années 1550 faites par le relieur du roi Estienne Gomar. Au centre du premier plat figure le super libris de Grolier
« Io Grolierii et amicorum », indication que, soit dit en passant, l’on trouve habituellement au bas du premier plat des reliures
authentiques, et sur le second plat la devise du collectionneur « Portio mea Domine sit in terra viventium » signifiant « Que
ma part, Seigneur, soit sur la terre des vivants ».
Exemplaire complet et très bien conservé, malgré un petit accroc sans gravité sur un bord du second plat et le premier et le
dernier cahiers légèrement décalés.
Provenances : John Blacker (cat. Sotheby’s,
Catalogue of a remarkable collection of books in magnificent Modern bindings,
11 novembre 1897, n° 59). - J.B. Colbert de Beaulieu, avec ex-libris. - Cachet noir sur le premier feuillet.