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La décoration.

La décoration se compose de grandes peintures, de bordures, de grandes et petites initiales, de bouts de lignes et de rubriques.

Le manuscrit est incomplet et les peintures qui subsistent sont au nombre de cinq. Elles ont été exécutées par un artiste qui, s’il est un dessinateur parfois hésitant,

a un vrai talent de peintre. Sa palette repose notamment sur le bleu, un rouge orangé éclatant, un violet lilas et un vert pâle. Il sait aussi utiliser l’or pour renforcer

ses effets. Cet artiste est autant à son aise dans des cadres construits que dans les paysages fuyants. Les plis des vêtements manquent un peu de souplesse et

la morphologie de ses personnages est parfois surprenante, mais c’est un portraitiste de premier ordre. Les visages sont expressifs et très finement exécutés.

Ces cinq peintures représentent :

- La Visitation

(f. 21) : deux femmes, Élisabeth et la Vierge, devant la Porte Dorée avec, à l’arrière-plan, un beau paysage fuyant jusqu’à un château planté sur une

colline. Sur la droite, deux arbres dont l’exécution, tronc et ramure, a été très soignée.

-

La Nativité

(f. 30v°)

:

l’illustration est coupée en deux parties. Au premier plan, la scène proprement-dite avec la Vierge agenouillée au pied d’un lit recouvert d’un

drap rouge orangé décoré de motifs à l’or, l’enfant Jésus à ses pieds entouré de trois anges et Joseph assis dans un fauteuil. Au second plan, le bœuf et l’âne sous

une grange avec en fond deux tours massives encadrant une porte, et un paysage fuyant.

-

L’Annonce aux bergers

(f. 36) : dans une prairie, plantée de beaux arbres en bordure d’une rivière, deux bergers, gardant avec leur chien des moutons, scrutent

dans le ciel trois anges tenant un phylactère. Au-delà, une ville importante est accrochée au flanc d’une colline.

- David et le Jugement dernier

(f. 56) : Il s’agit d’une peinture à trois niveaux ; en haut, au ciel, Dieu est entouré d’anges bleu ciel et soutenu par un chapelet d’anges

orange et jaune pâle ; au-dessous, David agenouillé en prière dans un paysage champêtre fuyant ; dans la partie basse enfin, une illustration de l’Enfer avec, au

premier plan, une gueule monstrueuse qui avale un condamné précipité par un diable. Sur les flancs, trois pendus et deux personnes, l’une mitrée et l’autre cou-

ronnée, qu’une autre gueule, de profil, va avaler.

Cette peinture est semblable à celle qui illustre le f. 227v° de Baltimore, Walters Art Gallery, MS 770, attribué à l’atelier du Maître de Boucicaut. Elle illustre une

nouvelle approche du thème de la repentance de David, qui repose davantage sur le texte proprement-dit que sur la tradition iconographique. Cette nouvelle inter-

prétation se retrouve sous le pinceau du Maître de Dunois, notamment dans les

Heures de Guillaume Jouvenel des Ursins

et sous celui du Maître de Jean Rolin

dans les

Heures de Simon Varie.

- La Crucifixion

(f. 72) : Le Christ crucifié est placé sur un fond uniformément bleu. Des anges récupèrent le sang qui jaillit des mains, des pieds et du côté. Á gauche,

la Vierge et ses compagnons, Saint Jean et deux femmes avec, derrière eux, deux hommes dont l’un perce de sa lance le flanc du crucifié. De l’autre côté, un

groupe de six hommes en armes, portant de lourds boucliers.

Les bordures sont de très belle qualité. Elles sont différentes pour les peintures et les feuillets de texte.

Les quatre premières peintures sont inscrites dans un simple encadrement doré que double un deuxième englobant une grande initiale et les quatre premières

lignes du texte. Le tout est situé dans une superbe bordure de feuilles

d’acanthe, de tiges portant des petites feuilles d’or et des fleurettes

bleues et rouges, au milieu desquels s’ébattent des oiseaux, des

papillons, des singes, des lapins ou des hommes. La bordure de la

Crucifixion

est due à un autre artiste, travaillant probablement dans le

même atelier. Les tiges et leurs petites feuilles d’or disparaissent au

profit de feuillages verts, bleus et roses avec fleurs, fruits, oiseaux et

papillons.

Les bordures encadrant le texte sont légères et aérées. Elles occupent

les trois parties externes de la page et, parfois, également la partie

interne. Elles sont construites autour d’un trait vertical doré doublé

d‘un trait bleu ou blanc qui borde le texte. De ces traits verticaux, qui

s’achèvent en tête et en queue par des feuillages fleuris ou des feuilles

d’acanthe, partent de fines tiges sur lesquelles poussent de petites

feuilles à l’or, qu’éclairent quelques fleurettes de couleurs vives. Ces

bordures sont éventuellement habitées par un être vivant et le dessin,

comme les motifs décoratifs, sont identiques au recto et au verso de

chaque feuillet.

Les grandes initiales sont peintes en bleu ou violet, filigranées de

blanc et fleuries à leurs extrémités. Elles sont placées dans des cadres

violets ou bleus sur fond or. Les autres initiales sont très homogènes,

bleues et roses rehaussées de blanc sur fond or. Le reste de la

décoration consiste en rubriques, dont la couleur change, rouge, bleue

ou or, et en bouts de ligne roses et bleues rehaussés de blanc et d’or.

Provenance :

Le manuscrit ne porte aucune marque d’appartenance. Seul les mots

La Pinsonniere

(f. 20v) et la mention

Je suis a la Pinsonniere

(f. 77v°)

pourraient nous donner une indication mais

La Pinsonnière

est un nom

de lieu trop fréquent et un patronyme trop courant pour servir de base

à une recherche.

Le manuscrit a quelques macules peu importantes. En revanche, trois

grandes peintures ont subi une ou deux bavures produites par de

l’humidité que l’on a tenté d’ôter sans doute d’un geste de la main :

La Nativité

dans l’enluminure ;

L’Annonce aux bergers

et

David et le

Jugement dernier

dans la peinture et l’enluminure.

Malgré les défauts cités, il reste néanmoins un très beau manuscrit

du milieu du XVème siècle dont on peut penser qu’il est l’œuvre d’un

artiste travaillant à Paris entre 1440 et 1450 et appartenant à un cercle

proche du Maître de Dunois et du Maître de Jean Rolin.

6 000/8 000 €

21 juin 2019 25 Pescheteau-Badin

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