Table of Contents Table of Contents
Previous Page  3 / 164 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 3 / 164 Next Page
Page Background

1

« Étonne-moi ! », lui disait Diaghilev. Cocteau n’a pas fini de nous

étonner et de nous enchanter, comme on le verra à la lecture de

ce catalogue, qui inventorie et révèle bien des trésors inconnus, la

plupart provenant de la collection de Carole Weisweiller et de sa mère

Francine Weisweiller, fidèle soutien de Cocteau qu’elle accueillait

souvent dans sa villa de Santo Sospir.

« Je suis sans doute le poète le plus inconnu et le plus célèbre »,

écrivait-il dans Journal d’un inconnu. En effet, le personnage a trop

souvent éclipsé le poète ; l’abondance et la diversité de son œuvre

ont parfois caché l’œuvre elle-même. Œuvre conçue le plus souvent

dans la douleur et dans une solitude difficile à conquérir au milieu des

foules mondaines qui se pressaient autour de lui – maigre consolation

au regard de l’hostilité de beaucoup de ses pairs. Œuvre multiple et

protéiforme, mais toujours placée sous le signe de la Poésie, comme

en témoigne la liste de ses œuvres ordonnée en : Poésie, Poésie de

roman, Poésie critique, Poésie de théâtre, Poésie graphique, Poésie

cinématographique.

Chacune de ces facettes est admirablement représentée ici, à

commencer par la Poésie, depuis les manuscrits de ses deux premiers

recueils, désavoués ensuite (est-ce l’image du « Prince frivole » qu’il

voulait exorciser ?) mais déjà révélateurs de ses dons, jusqu’à un

des derniers, Clair-obscur. Après les premiers recueils aux brillantes

facettes, est venue l’expérience de la guerre avec la disparition d’amis

chers et la rencontre avec la Mort, qui accompagnera dès lors

Cocteau de sa présence redoutée et familière. On mesurera, dans

cette masse de brouillons, l’incessant labeur du poète pour parvenir

à « décalquer l’invisible ».

Le dramaturge est évoqué par les manuscrits de plusieurs œuvres

majeures, dans des genres divers : Orphée, La Machine infernale, Les

Parents terribles, et Bacchus ; le romancier avec le tapuscrit corrigé

des Enfants terribles. À côté de pages du critique et de l’essayiste,

on signalera le monumental manuscrit de La Difficulté d’être, livre à

la fois de souvenirs, d’introspection intime et d’essais à la Montaigne.

Cocteau trouvera dans le jeune cinématographe un outil idéal pour

la traduction de son univers onirique, créant quelques-uns de chefs-

d’œuvre du Septième Art, qu’il commente ici à travers de nombreux

textes. Des dessins témoignent de la poésie graphique de Cocteau,

au trait sûr allié à un œil vif.

Cocteau est un épistolier infatigable, chaque lettre est une pépite.

Parmi de nombreuses lettres, qu’accompagnent quelques-unes de

ses pairs, on retiendra les deux correspondances intimes avec des

femmes : celle tendre et affectueuse (et probablement aussi un peu

intéressée) avec Marie Scheikévitch, et les lettres d’amour à la belle

Natalie Paley. Les nombreuses dédicaces à Jean Marais témoignent

de l’amour qui lia le poète au comédien.

Cocteau n’a pas fini de nous étonner.

Thierry Bodin

JEAN COCTEAU

(1889-1963)

CATALOGUE N° 27