Lot n° 182

Paul Valéry (1871-1945). 14 L.A.S., [1894-1918, à André fontainas] ; 38 pages in-8 ou in-12 et une carte postale (le nom du destinataire a été gratté sur 2 lettres). très belle et intéressAnte correspondAnce AmicAle et littérAire. [Deux...

Estimation : 4000 / 5000
Adjudication : 6 875 €
Description
lettres, sur l'affaire Dreyfus et sur son mariage, ne sont peut-être pas adressées à Fontainas.] [Décembre 1894]. Amusante lettre : « Mon cher ami, On ne vient pas chez moi après 10h p.m. En effet, ou je suis au lit, ou je suis sorti, ou je travaille, ou je fais l'amour. Mais venez tant que vous voudrez à 9h60'59” ». Il vient de porter les épreuves de Paludes à la Revue Blanche... [Montpellier 16 septembre 1896] : « mon vieux, vous méritez d'être décarcassé - avec torsion de oreilles ! (Enfin jArry va me ramuser. À Montp. je ne saisis plus du tout Ubu) ». Les cathédrales l'excitent : « je vis dans la honte et terreur desarchitectures [...] si vous me suggestionnez lâchement je m'abandonne à ma lithomanie et je vous écrabouille de voûtes, de traves etc. Supposez que je me lance dans ma fameuse comparaison - prosopopée de la cathédrale et des roches de montagnes [...] - mais je la ferai marcher - moi, - la bâtisse ! tel un Centaure à roulettes pour les jeux de Ferdinand (junior) »... Il lui demande de lui raconter l'histoire de louÿs, le menaçant de lui arracher la langue : « Et de plus je vous livre à M. teste »... 1897. [Montpellier 9 mars]. Il n'a rien de neuf à raconter si ce n'est l'incident entre Ernest [lA jeunesse] et Camille [mAuclAir]. Il n'arrive pas à se mettre au travail, notamment pour son essai sur Stéphane mAllArmé : « ici je vois encore plus vite qu'à Paris les défauts de ceci et cela [...] Je ne suis pas arrivé à écrire une ligne sur Stéphane qui ne me fasse pas entrer en fureur. Aussi, pour m'épargner, n'en ai-je pas écrit beaucoup. Et cependant, il y a de quoi dire, bigre ! Cela m'a forcé de réfléchir sur la langue littéraire [...] je m'oblige en somme 1° à exposer toute une théorie psycho-syntaxique dont le moindre inconvénient ainsi que l'intérêt d'ailleurs, est de n'avoir pas trait à S.M. [.] 2° à montrer SM à travers cette théorie 3° à être assez bref. Tout ceci est très compliqué. Je ne vous parle ni de la langue [...] qui sera ce que mon porte-plume voudra, ni de l'ennui d'écrire au lieu de si tranquillement pensotter et fumer ses idées. À ce propos, ma maxime : plus on écrit, moins on pense. Ou bien : Qui le plus escript, cogite le moing. [...] Si j'arrive au bout de mon pensum, qui qui ne sera pas content ? 1 ° W.E. Henley 2° The honourable readers 3° S. M. 4° Bibi. 5° Le reste de l'humanité »... [Paris] 26 août. « Je suis encore à un turning-point. Du moins, je le sens, et piétine ». Il a « la sensation de chercher quelque chose, non plus uniquement in me, - mais où ? Vous devez me trouver bien mystérieux, [.] je le suis maintenant encore plus pour moi-même, puisqu'en écrivant, on précise toujours un peu. Or, on ne s'écrit pas ». Cela remonte à un séjour à Valvins, et à ce brusque automne, à « un mot de S. M. que me répéta schwob », et qui l'a depuis « livré au tourbillon des idées vagues. Enfin je me trouve inquiet, impatient, faible et penaud. [...]. Je vais au Minisre comme un somnambule trouble. Je rentre de suite après. Je lis, dîne, lis et dors. La lecture est de mAistre, un peu de mathématique ou du bAlzAc »... Il s'ennuie « méticuleusement comme la lune. [...] Ce vague à l'âme me dégoûte, me déplace, je hais la mélancolie, j'adore l'ardeur sèche, la pointe brûlante, le souffle analytique [...] Ne pas être un vase d'imbécilité m'est précieux »... Il raconte sa conversation en italien avec un ouvrier. Paris samedi [2 octobre]. Il raconte sa mésaventure pour un dîner manqué : « embêté jusqu'à la garde par cette pluie intempestive j'ai dû hisser l'abbé Cane ou Kahn dans un sapin pour rentrer », et il est resté chez lui ; il espère pourtant voir Fontainas avant son départ... Montpellier [octobre]. Il est descendu dans le Sud pour le mariage de son frère. D'humeur rêveuse, il rédige une très jolie et poétique page d'« impression de route », instantané en gare de Valence : « Le rapide, idole de l'insomnie, s'arrête, souffle. Douceur de l'air froid dans l'amer wagon noir de nuit et de souffles épais », etc. Il oublie son « sale bureau » : « Flâner ! je l'avais désappris [...] Je regarde. Fenêtre, bleu, vert, jaune, ciel, perroquet, arbre doré, fumée de cigarettes. Envie de caresser, ou de dormir un sommeil agréable - c'est la même chose »... 1898. Février 1898. Il est plongé dans de nombreuses lectures, avant La Cathédrale de Huysmans : « ainsi le Kapital ( !), un essai de Metageometry, la correspondance de bAlzAc se me disputent. Je mène à la fois ces lectures et mes propres chimères. La psychologie sévit ferme dans ma citrouille ». Il travaille simultanément à des notes intitulées Étude pour Agathe et songe à son projet, « mon ouvrage littéraire capital Le dîner à Londres ». Sur Le Capital : « Maintenant on me flanquera la paix avec mArx. C'est un homme très remarquable mais il est comme les camarades : il n'a rien démontré. J'en étais sûr d'avance - mais maintenant je puis l'estimer : ce n'est pas un god. J'ai trouvé drôle que pour résoudre les questions économiques il ait eu recours au même truc que j'avais utilisé pour les questions psychologiques au début de mon inquiry »... Paris [26 août]. Il cuit et va retourner au Ministère : « Ce temps me porte aux abominations et liquéfie mon habituelle moralité. Que faire ? Arrivé d'hier, j'ai rencontré, seul humain, à face humaine, the young léAutAud. Nous avons circulé, cherchant la fraîcheur [.] Tout se conjure. Tel Verlaine, L'espoir luit comme un brin de paille - dans un verre. [.] je rêve de cigarettes à la glace [...] On allumerait sa pipe à un sorbet » etc. - sur lde duclAux » est à ses yeux un des meilleurs exemples, « un monument ! ». Il souligne l'inconséquence qu'il y a à mélanger la justice et la science : « On ne peut donc conclure, d'une méthode à l'autre, et les vérités, ces conventions commodes, ne sont pas les mêmes des 2 côtés. [] Pour le cas zolA. Je pense très fermement que l'intelligence, la puissance intellectuelle est contradictoire avec l'existence d'une société. Elle doit être bouclée et canalisée. Une bouffée d'esprit, la moindre, met sans cesse en question les choses qui doivent être immuables. D'ailleurs toute concession est inutile. Je ne conclus également pas. Enfin, méfions-nous des mouvements collectifs de vertu et de générosité. Si l'on en juge par les résultats, c'est le commencement des horreurs »... [Printemps 1900]. Il le remercie pour son petit volume bleu et annonce ses fiançailles avec Jeanne gobillArd (février 1900), qu'il espère épouser en mai, et qui est une cousine de Julie mAnet, qui va se marier elle-même avec son ami Ernest rouArt : « mAllArmé, ami de cette maison, avait, en somme, tracé la voie de cette union. Enfin, au moment décisif, l'intervention singulière et autoritaire du peintre degAs a décidé l'événement lui-même »... [20 août 1912]. Carte postale illustrée du Bain de Degas (Musée du Luxembourg), avec cet amusant quatrain : « Toute une vache rose aux ombres de homard Ivre d'eau fade sort molle du coquemard, Cependant que l'accueille avec peignoir la bonne Située au sud de la bizarre bonbonne » 1918. Lundi [9 janvier]. Il s'excuse de ne pas lui avoir renvoyé son très intéressant manuscrit sur Edgar poe [La Vie d'Edgar A. Poe par A. Fontainas, 1919], qu'il a dévoré, mais il est tombé malade et en dépression à la fin de l'année 17. Il lui propose de soumettre à Pierre bertin l'idée d'une lecture « de votre ouvrage par vous-même », et promet de lui rapporter le manuscrit dès qu'il pourra sortir... Jeudi [1^ ^a^. ^ a è^ a a ^ ^ ^ ^a^ ^è^ a ^a a ^a^^ ^ ^question financière, ne se souvenant que vaguement de quelques propos brumeux de copeAu à ce sujet. Mais sa conviction intime est : « rien à gratter »... Samedi [7 avril]. « J'avoue qu'entre les bombardements, les caves, et l'offensive, me sentant la responsabilité de six enfants (3+3) et d'un nombre égal de femmes, je me suis fait des cheveux. Bref, j'ai expédié tout ce monde vers la Sarthe où un ami les héberge momentanément ». Il demande où en est « votre Poe », car lui ne peut rien faire pour l'instant, n'arrivant même pas à travailler pour lui : « je regarde un certain tas de papier, - cahiers, feuillets, grimoires - et je me dis - Si cet amas flambait, vingt ans de divagations s'en iraient en fumée. Le plus comique dans ce monologue, c'est que je n'ose jamais rouvrir ces cahiers, tant j'ai peur d'y lire des sottises et de consumer les dits vingt ans dans un propre incendie de honte et de fureur »...
Partager