Lot n° 134

ESPAGNE. FERNANDO VII (1784-1833) Roi d’Espagne. 7 L.A.S. « Fernando », Cadix 21 août-30 septembre 1823, à son « frère et cousin » le duc d’Angoulême ; 1 page in-4 chaque sur papier filigrané à l’effigie de Louis XVIII et aux...

Estimation : 5 000 / 7 000
Adjudication : 5 000 €
Description
armes royales de France ; en espagnol (traductions françaises de l’époque jointes).
Importante correspondance historique, relative à l’Expédition d’Espagne dirigée par le duc d’Angoulême pour rétablir le Roi d’Espagne sur son trône. [En 1820, le Roi d’Espagne a dû faire face à un soulèvement populaire conduit par les libéraux et s’est vu contraint d’accepter la constitution libérale. Début 1823, la Sainte Alliance décide d’intervenir en Espagne : le 22 janvier le traité secret de Vérone est signé, qui permet à la France d’envahir l’Espagne pour rétablir Ferdinand VII en monarque absolu. Le 7 avril, la France entre en Espagne pour y rétablir la monarchie absolue des Bourbons. Devant l’avancée des Français vers Madrid, le gouvernement se réfugie à Cadix, avec le Roi en otage. Après un siège, Cadix capitule le 30 septembre ; les libéraux négocient alors leur reddition et l’armistice, en échange du serment du Roi de respecter les droits des espagnols. Mais Ferdinand VII, appuyé par les Français, abrogera bien vite la Constitution de Cadix, manquant ainsi à son serment.] 21 août. Le Roi d’Espagne s’étonne que les intentions de « mon frère et oncle le Roi de France, ne m’aient pas été manifestées jusqu’à présent, quand il y a cinq mois que ses troupes ont envahi mon royaume et qu’elles causent, avec son appui, tant de calamités à mes sujets. Jamais le joug dont V.A.R. prétend avoir délivré l’Espagne n’a existé et je n’ai jamais manqué d’aucune autre liberté que de celle que m’ont enlevée les opérations de l’Armée française. Le meilleur moyen de me la rendre serait de laisser au peuple espagnol la sienne ». Il demande à la France de cesser d’intervenir dans les affaires espagnoles, et s’appuie sur la solidité des sentiments paternels de son cœur envers ses sujets pour réparer le malheur qui les a frappés et leur garantir à l’avenir plus d’ordre et de justice... Il refuse catégoriquement de suivre le conseil que lui donne son correspondant, à savoir rétablir les Cortès en Espagne, idée « aussi incompatible avec la dignité de ma Couronne qu’avec l’état actuel, la situation politique [...], les mœurs et la prospérité de la nation que je gouverne. Ressusciter après trois siècles d’oubli une institution aussi incertaine, aussi inutile, aussi monstrueuse que celle des antiques Cortès d’Espagne, serait [...] la même chose, ou une chose pire, que de renouveler aujourd’hui les États Généraux en France », et cela n’apporterait qu’inconvénients, ennuis, désordre... Ce n’est pas le rôle d’un Roi de faire ce genre d’avertissement, surtout quand ce roi est le responsable de ces malheurs : « Je désire avec ma nation qu’une paix honorable et solide mette fin aux désastres de cette guerre que nous n’avons pas provoquée et qui est aussi préjudiciable à la France qu’à l’Espagne ». Il a fait plusieurs déclarations dans ce sens, et avertit : « Si, nonobstant ces déclarations que je viens de faire, on abusait de la guerre, en se couvrant d’un prétexte que V.A.R. m’insinue dans sa lettre, ceux qui le feraient seraient seuls responsables du sang qui se versera, et V.A.R. le serait particulièrement devant Dieu et les hommes, des maux qu’elle attirerait sur ma royale personne, sur ma famille, et sur cette population si digne d’intérêt »... 4 septembre. Il est mécontentent que S.A.R. n’ait pas tenu compte de sa dernière lettre du 21 août, car malgré ses déclarations « il s’est versé de part et d’autre beaucoup de sang innocent [...]. Mon devoir comme Roi, et mon cœur comme père de mes sujets m’engagent à faire encore une autre démarche pour mettre un terme aux désastres de cette guerre ». Il propose un cessez-le feu, une « suspension d’armes, sans préjudice du Blocus », pour mettre au point un traité de paix honorable pour les deux nations. Il autorise le Lieutenant Général Don Miguel Ricardo de Alava, porteur de ce pli, à entrer en pourparlers avec la personne que S.A.R. nommera, et si besoin, à signer pour lui l’armistice... 5 septembre. Suite à la lecture de la lettre qui lui a été remise par le duc de Guiche, dans laquelle S.A.R. déclare qu’elle ne peut traiter de rien « si ce n’est avec moi, seul & libre, j’espère que pour pouvoir me déterminer sur un objet aussi grave avec la connaissance nécessaire, V.A.R. voudra bien me dire ce qu’elle exige pour me considérer comme libre, & dans ce cas de quelle manière elle se propose de traiter avec moi »... 7 septembre. Par sa réponse, il voit avec peine que la France ferme toutes les portes à la paix : « Un Roi ne peut être libre en sortant au milieu de ses sujets, et en se mettant à la discrétion de troupes étrangères qui ont envahi son royaume : et une Place espagnole quand elle n’a pas de traités dans son sein, ne se rend jamais que quand l’honneur & les lois de la guerre peuvent justifier un tel acte ». Il veut montrer à son correspondant et au monde entier qu’il ne recule devant rien pour éviter l’effusion de sang en acceptant de le rencontrer : « Je suis prêt à ce que nous traitions tous les deux seuls et en pleine liberté, soit dans un lieu à distance égale et convenable des deux armées, et avec la sécurité réciproque qui est nécessaire, soit sur un bâtiment neutre sous la foi de son pavillon »... 23 septembre. D’après un rapport du ministère aux Cortès, il se retrouve en liberté à l’instant : désirant embrasser Son Altesse Royale et sortir de Cadix au plus vite, il prie de « faire suspendre les hostilités le plus tôt possible, et désigner le jour qui lui conviendra » pour le rencontrer, si possible à Puerto Santa Maria. « J’ai promis une amnistie générale, pour les opinions, non pour les actes. Quant à la forme du gouvernement je n’ai rien promis, puisque je ne connais pas les volontés de mes peuples ». Il veut régler cette question avant d’arriver à Madrid... 29 septembre (la traduction est de la main du comte de Villèle). Sa lettre d’hier lui a causé beaucoup de satisfaction et il lui adresse celle-ci par la main du général de Alava et par l’intendant de l’armée Don Domingo de Cortes, qu’il autorise à « régler et conclure les conditions de l’armistice promis antérieurement par V.A.R. ». Il l’assure que c’est de sa libre et spontanée volonté qu’il accorde cette amnistie absolue et générale de tout le pays : il souhaite « donner à mes sujets un gouvernement qui fasse la fierté complète de la nation en assurant la dignité du trône et la sécurité personnelle des Espagnols. J’espère que V.A.R. s’emploie efficacement auprès de S.M. Très Chrétienne pour m’aider à accomplir ces intentions »... 30 septembre. Il annonce son départ de Cadix entre dix et onze heures le lendemain, avec toute la famille royale. S’il fait beau, ils débarqueront au Port Santa Maria, sinon à Puerto Real, « ce qui sera indiqué à V.A.R. par des signaux ». Il a hâte de pouvoir l’embrasser demain...
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