Lot n° 356

Marie-Antoinette-Thérèse de Bourbon-Naples, Princesse des ASTURIES (1784-1806) fille du Roi de Naples Ferdinand et de Marie-Caroline-Charlotte, première femme (1802) de Ferdinand VII d’Espagne (1784-1833).60 lettres autographes signées...

Estimation : 2 500 / 3 000
Adjudication : 2 900 €
Description
« Toto », 1802-1805, à sa chère amie la baronne de Mandell ; 125 pages in‑4 ou in‑8, reliées en un vol. in‑8, reliure de l’époque demi-basane brune à coins. Belle et émouvante correspondance de la jeune Princesse venue vivre à la Cour d’Espagne, après son mariage le 21 août 1802 avec le futur Ferdinand VII, alors Prince des Asturies. Ses lettres sont d’une grande rareté.Tout au long de ses lettres, écrites de Barcelone et Valence, puis d’Aranjuez, Madrid, S. Ildefonso, L’Escurial ou La Granja, la jeune femme exprime son ennui et sa tristesse à son amie (qui l’a accompagnée en Espagne avant de repartir à Naples en octobre 1802). Elle parle de véritables coups de désespoir, d’une mélancolie intérieure terrible qu’elle tente de dissimuler et qui se transforme parfois en une espèce d’indifférence « bien peu de fois réveillé par ma vivacité naturelle ». Si elle ne veut pas inquiéter sa mère du récit de ses afflictions et de ses maux, ni sa sœur Amélie [la future Reine de France, qui épousera Louis-Philippe en 1807], elle se confie à la baronne et parle d’une vie à laquelle elle ne trouve rien d’extraordinaire... « ici je n’ai rien qui m’attache car le prince ne fait aucun changement en mieux il est toujours sans faire rien trinbalant par la maison et sans vouloir entendre rien de sages, toujours froid, sans prendre aucun goût [et] amusement » (9 février 1803). Elle trouve cruel d’être privée de bals à 18 ans ; ses occupations se partagent entre le clavecin, la guitare, le chant, le dessin, la lecture, les promenades à pied car on lui refuse l’équitation sous prétexte que cela l’empêcherait d’avoir des enfants : « ils disent que quand j’en aurai ils me feront aller a cheval je crois qu’ils ne m’y feront jamais aller car je suis bien sure que je n’en aurai pas » (février 1803). Elle assiste à une course de taureaux, spectacle horrible qui l’a fait crier et pleurer : « chaque fois je retourne malade cela m’irrite les nerfs » ; elle apprécie en revanche les promenades publiques de Madrid et la foule qui s’y presse, elle trouve le caractère espagnol à son goût, mais toujours évoque un état de tristesse très profond : « je suis sure que je ne vivrai pas longtems car je me sens rendue si cela ne fusse peché je desirerois la mort car pour moi ce seroit la fin d’une vie qui ne pourroit etre que remplie d’amertume » (13 septembre [1803]). Si elle rend parfois hommage aux bontés que le Roi [Charles IV], « un excellent homme », et la Reine d’Espagne ont pour elle, elle souffre du renvoi à Naples de ses dames de compagnie pour n’avoir « pas fait les rapporteurs [...] j’ai pris le parti de prendre tout avec modération sans quoi je me tuais et puis toujours je resterai dans le respect que je dois au Roi et à la Reine avec tout ce qu’ils me peuvent faire, mais jamais de bassesse devant les autres et me rappeler qui je suis et qui il est » (18 septembre 1804). En octobre, on la pense enceinte, et elle le désire « pour le plaisir que cela ferait a mon cher Papa et ma chere Maman, et a toutte cette bonne Nation, et puis parce que j’en comprend l’utilité. [...] le Prince en était enchanté et depuis il est de si mauvaise humeur que c’est un vrai tourment, c’est dire que les femmes ont bien a souffrir appres etre incomodé elles ont a souffrir la mauvaise humeur des hommes » (21 novembre 1804). Elle croyait à un retard de ses règles dû à ses épouvantes et ses déplaisirs, mais c’est une fausse couche qu’elle subit le 23. Il est question de divers membres de son entourage, dont le duc San Carlos ; de l’envoi et de l’échange de cadeaux : portraits, châles, éventails, souliers, etc. ; de la vie à la Cour (promenades, bals, jeu, etc.) ; et toujours de sa tristesse à être séparée des siens et de son pays. La dernière lettre est un court et émouvant billet... « comme je suis en pleur appeine puis-je écrire noubliez pas mes comissions, parlez mille fois a François de moi aimez-moi »... [La Princesse des Asturies devait mourir sans postérité le 21 mai 1806 à l’âge de 21 ans ; on soupçonna le ministre Godoy de l’avoir empoisonnée.]Librairie Les Autographes, 2000.
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