Lot n° 339

Manon Phlipon, Madame ROLAND (1754-1793) l’égérie des Girondins ; femme (1780) de Jean-Marie Roland de la Platière (1734-1793), elle fut guillotinée.Lettre autographe signée de son paraphe, [prison de Sainte-Pélagie] 2 juillet [1793,...

Estimation : 2 500 / 3 000
Adjudication : Invendu
Description
probablement à Préveraud de Pombreton] ; 3 pages et quart in-8 (le bas des pages un peu rongé avec perte de quelques mots ; portrait lithographié joint).Importante lettre de prison, où Madame Roland raconte son arrestation, et la fuite de son mari. [Lors de la proscription des Girondins, alors que Roland a pu s’enfuir, Mme Roland a été arrêtée le 1er juin et emprisonnée à l’Abbaye. Relâchée le 24, elle est à nouveau arrêtée le jour même et incarcérée à Sainte-Pélagie, d’où elle écrit cette lettre. Préveraud de Pombreton, cousin de Roland de la Platière, sera exécuté à Lyon le 6 juillet 1794 pour avoir favorisé la révolte de cette ville.] La lettre semble inédite.« Vous m’invités à aller vous joindre ; je ne serai pas embarassée de ce que je devrai faire de ma Liberté quand elle me sera rendue, mais lorsque je suis dans les fers, c’est à vous autres de marcher. Mon ami n’avoit pû quitter, un décret le lui deffendoit avant l’appurement de ses comptes ; partir, contre la lettre et l’esprit de la Loi eût été indigne de son caractère, de sa conduite irréprochable ; la calomnie s’en fût appuyée comme d’une preuve, et la malveillance l’auroit fait arrêter avec une justice apparente. Nous sentions bien qu’on éloignoit le rapport de ses comptes pour le tenir enchainé ; mais la fuite eût nui à sa gloire sans servir à sa sûreté. Il ne s’est soustrait qu’à la dernière extrémité et après la première tentative faite pour l’arrêter. Vous savéz, peutêtre, le rafinement de cruauté avec lequel on a ordonné ma mise en liberté, fondée sur ce qu’il n’y avoit rien contre moi, p[our] m’arrêter de nouveau comme suspecte. Je n’ai eu que le temps d’entrer dans un fiacre, d’arriver dans ma maison, je n’avois pas monté quatre marches de mon escalier lorsque deux hommes derrière moi se sont écriés : “Citoyenne R. de par la Loi nous vous arrêtons”. Ils me trouvoient trop honorablement et trop surement à l’Ab[baye] ; j’étois dans une Prison d’état, on m’a mis dans une maison de force, au milieu de contre-révolutionnaires, de voleurs, d’assassins et de femmes perdues, dont les horribles propos retentissent autour de mon réduit. Mon courage ne s’étonne de rien ; il me manquoit les honneurs de la persécution, on me la prodigue au moment où on les décerne à tout ce qui s’est distingué dans cette ville par l’énergie et la probité. Ma Section s’agite et me réclame inutilement. Mes amis marchent et font écrire tout aussi vainement ; quant à moi, je ne puis attendre ma délivrance que de l’établissement du règne de la justice […] J’employe mon temps ici comme je le faisois ailleurs ; tranquille avec ma conscience, enveloppée de mon innocence, je médite, j’étudie, je dessine ; les heures passent vite, grace à ces habitudes solitaires, et, s’il arrive quelqu’événement, j’aurai vécu jusqu’à mon dernier instant. Mon ami est en sûreté ; c’est, à-peu-près, tout ce que je sais de lui, mais cela suffit à ma situation. Ma fille est chez d’excellentes personnes »… Elle prie de donner de ses nouvelles à son beau-frère, et elle termine : « croyés que la Liberté de tel ou tel doit bien moins vous occuper dans ce moment que celle même de notre pays. En assurant celle-ci, c’est travailler à l’autre, c’est la seule manière de l’obtenir, ou d’en venger la perte. Ma seule affaire à moi est de me conserver digne de la bonne fortune et supérieure à la mauvaise. […] Après la paix avec moi-même, ma plus douce existence est dans l’esprit de ceux que j’estime ».Anciennes collections Patrice Hennessy (6-7 mai 1958, n° 151), puis Jean Prouvost (24-25 juin 1963, n° 164).
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