Lot n° 306

Anne-Antoinette Clavel de SAINT-HUBERTY (1756-1812) célèbre cantatrice, interprète favorite de Gluck, assassinée avec son mari le comte d’Antraigues.Lettre autographe signée « De St Huberty », 12 juin 1782 ; 5 pages in-4.Magnifique lettre...

Estimation : 2 000 / 2 500
Adjudication : 1 900 €
Description
sur le milieu de l’Opéra, la condition de chanteuse, et sa carrière.« On fait si promptement des mauvaises têtes dans le païs de l’opéra, et l’on y garde si peu le secret, qu’il m’est déja revenu quavec la qualité de Pre chanteuse de l’opéra on me qualifie aussi de mauvaise tête (il semble que l’un ne peut aller sans l’autre). Cependant il me paroit ne point mériter, ce titre (qui pourtant marque plus le talent, que le talent même) il mimporte beaucoup dêtre justifié dans votre esprit »... Elle s’attache à répondre aux attaques dont elle a été victime et qui lui ont valu cette réputation, et fait valoir ses droits. Elle rappelle « les sujets de plaintes qui m’ont fait donner mon congé pour la premieres fois, cétoit donc pour le partage que je n’avois point touché pour le titre de Per sujet que lon me refusoit et pour des congés que lon ne vouloit point m’accorder ». On l’a ensuite laissée partir pour La Rochelle en lui promettant, ainsi que le ministre, d’autres congés, « et le titre que je desirois et que j’avois tachée de mériter, céttoit donc une justice ? » Puis elle a dû réclamer congé, gratification et « les feux que l’on m’avoit promis pour laisser les roles que je jouois, et faire toutes les répétitions de Thésée [de Gossec], on trouve qu’il ny a rien de plus indigne qu’une femme qui a acquis des talens, qui a eüe le malheur de s’en servir pour pourvoir à son existence, qui a empêché que la porte de l’opéra ne se fermâ 7 ou 8 fois au moins, qui a fait tous les efforts pour mériter plus même, qu’on ne lui promettoit, on trouve infâme dis-je, de réclamer, et congé (le roy n’en donne aucun) et gratification (il ny a point dargent) et feux gagnés (fi donc on na point enttendu parler de cela). “Il faudroit me dit-on que les femmes a talens se déffissent de demander de l’argent cela n’est pas noble” ». Elle s’insurge contre cela, d’autant qu’elle n’a pas les revenus qui permettent une telle « noblesse » : en retour, elle a eu la « bassesse » de donner son congé « de maniere a ce que l’on ne me forçât pas de jouer, [...] on m’a traitée majestueusement, une bonne lettre de cachet me remit dans le droit chemin. Cependant j’avois toujours ce maudit désir d’améliorer mon sort ». On la rassurait en disant que tout allait s’arranger, et le bruit courait « d’une pension de la cour, d’un congé, enfin j’ai suspendu ma grande colere » ; mais arrive « le Règne de ses messieurs du Comité qui doit finir le mien, voila le plus fort ! » Après la lettre de cachet, c’est la mise à l’amende, on veut la forcer à quitter ses rôles, l’empêcher d’entrer dans les coulisses de l’Opéra, etc. Elle se plaint de ces agissements et de ceux de ses camarades qui « veullent s’arroger le droit de faire les maître », d’autant qu’ils s’en vantent et l’accusent de malhonnêteté, etc. « Tout cela danneroit un saint [...] Si tout cela prouve une mauvaise tête de ma part, il y a gros a parier que j’ai pris mon pli et que j’aurai toute la vie la mauvaise tête de vouloir travailler beaucoup, en être bien récompensé, ne vouloir point mériter de reproche ny souffrir d’injustice »...Lettre publiée par Edmond de Goncourt, La Saint-Huberty d’après sa correspondance et ses papiers de famille (Dentu, 1882, p. 66-70, coll. du marquis de Flers).
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