Lot n° 293

Marie-Madeleine Masson de Plissay, Mme Claude-René Cordier de Launay de MONTREUIL, dite la Présidente de MONTREUIL (1721-1789) épouse d’un président à la Cour des aides, belle-mère du marquis de Sade qui avait épousé en 1763 sa fille...

Estimation : 2 500 / 3 000
Adjudication : Invendu
Description
Pélagie.2 lettres autographes (la 2e signée « M. de M. »), Paris juin-août 1775, à l’abbé de Sade au château de Saumane, et à l’avocat Gaufridy ; 2 pages et demie, adresse avec cachet de cire rouge aux armes, et 4 pages et demie in-4.Longues et très intéressantes lettres dénonçant la conduite du marquis de Sade avec sa femme.Paris 21 juin [1775], à l’abbé de Sade à Avignon. La conduite de son gendre lui donne de l’espoir : « J’en conserverai tant que je lui verrai de l’amitié et de la confiance pour vous. Elle ne peut pas être mieux placée et plus utilement pour lui. Ha ! Qu’il en a besoin ! Mais vous ayant fait l’aveu fidel de ses folies pourquoi ne vous l’a t’il fait qu’à la seconde entrevue. […] Vous ne devés cet aveu qu’à son amitié, car je ne lui ai parlé de vous Monsieur en aucune façon »… Depuis son départ, elle lui a écrit deux lettres « telles que mon cœur partagé entre lui et ma fille me les a dictés »… La réponse de son gendre était si modérée qu’elle soupçonne son oncle de la lui avoir en partie dictée : « Je ne me flatte pas que son amitié pour moi soit au point qu’il me l’assure, et je ne crains rien tant que la fausseté. S’il estime sa femme autant qu’il le dit, et craigne de multiplier mes chagrins, pourquoi ne lui pas cacher plus soigneusement ses maitresses. Pourquoi passer les nuits et les jours entiers chés elles. La croit-il assés imbécile pour ne pas s’en apercevoir et croire toutes les histoires qu’il lui fait. Elle est assés sage pour paroître le croire et tout ignorer plutôt que d’y mettre de l’aigreur. […] Elle l’aime, souffre, et a la même complaisance pour tout ce qui peut lui plaire et linteresser que si elle en étoit cherie. Si elle avoit plus de vivacité et de gentillesse, elle lui plairoit davantage, je le desirerois, mais on est comme on est, et en cherchant a sortir de son caractere on est encor plus gauche. Ce n’est pas d’avoir une maitresse dont je lui fais un proçès. Je sçai qu’a son âge on ne se fixe guerre a sa femme amoins qu’on en fasse sa maitresse, chose bien rare. L’amour et l’himen réunis ne se trouvent guerre qu’en peintures mais je me fâche du peu de ménagement qu’il y met »… Elle explique ses démarches auprès du Lieutenant de police [Lenoir]… « Enfin tant que je m’interesserai a mon gendre jéclairerai sa conduitte, n’importe comment »… Elle parle enfin de la santé inquiétante de son fils cadet, et des préparatifs du mariage du marquis de Toulongeon, son neveu par alliance, avec Mlle d’Aubigné…Paris 23 août [1775], au notaire Gaufridy. Longue lettre sur son gendre et sa fille. « Il est des choses sur lesquelles elle ne peut s’aveugler interieurement quelqu’envie qu’elle en ait. Il est de nécessité absolue de découvrir le monstre infernal qui cherche à l’abuser contre son propre interêt celui de ses enfans et de son mari même, en reveillant la haine et la discorde dans un temps surtout où l’union et la confiance seroit si nécesseraire. Ce monstre, à mon avis, est Mr de S. [Sade] lui-même. […] Vous ne connoissez peut-être pas si bien que moi toutes les tournures dont il est capable quand il veut satisfaire ses passions, qu’elles qu’elles soient. […] ce n’est pas la première fois qu’il agit contre ses interêts pour suivre le transport qui le guide. Il sçait que Made de S. ne peut qu’estimer sa mere et tout ce qui l’entoure, et ne peut qu’être convaincue de la fausseté de toutes les noirceurs qu’il leur a imputées. […] Ne m’a t’il pas envoyé il y a trois mois sous la suscription de Madame, mais de son écriture a lui la copie d’une de ses lettres anonimes avec une grande colere (clairement simulée) et des citations que j’ai vérifié fausses. Dans le tout son style et ses vues percent »... Elle donne longuement son sentiment au sujet de ces lettres anonymes, et explique les raisons de ses soupçons, rapprochant les envois des lettres des déplacements de Sade entre Paris et la Coste ; sa fille lui a écrit « une lettre infâme, dictée ou soufflée par Mr dans sa colere », qui veut faire passer sa mère pour une persécutrice. Il faut absolument réussir à désabuser Mme de Sade, « de qui que viennent ces anonimes »… Il faut aussi « suivre en tout les ordres du Roy donnés par le Ministre »… Elle évoque encore « le nouvel incident », les bruits et et les « furieuses craintes » dans la famille de Sade… Il faudrait que son gendre prenne conscience du danger avant qu’il ne soit trop tard : « Il devroit desirer lui-même le moyen le plus sur, et calculer qu’il est toujours avantageux de parer le danger du moment, et de sacrifier quelques années de liberté au repos du reste de sa vie, et de fournir des moyens au rétablissement de son honneur. À 35 ans on a encor bien du temps devant soi. […] Pour moi, qui n’en ai pas tant, fatiguée de toutes ces horreurs, ayant fait en toute circonstance l’impossible pour les sauver, n’en recevant que des injures et des infamies pour reconnaissance, voyant qu’ils veulent se perdre et leurs enfans, lasse d’y sacrifier mon repos et ma santé inutilement, j’abandonnerai tout, ils deviendront ce qu’il plaira à la Providence »…Ancienne collection Alfred Dupont (I, 11-12 décembre 1956, n° 308).
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