Lot n° 2

CALLOT (Jacques). — [Les Gueux], [La Noblesse] et [Les Grands apôtres]. — Paris : Israël Henriet, 1631 ; Israël Silvestre, [entre 1661 et 1691]. — trois volumes petit in-4, 215 x 136 et 203 x 145 : 25, 26 et 15 planches.

Estimation : 10000 - 15000
Adjudication : Invendu
Description
Veau brun moucheté ou marbré, dos à nerfs ornés, tranches rouges sur le premier volume, mouchetées sur les deux autres (reliure de la fin du XVIIe siècle). Meaume, Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot, n° 104-109, 671-709, 881 et 1209-1219. - Lieure, Jacques Callot, catalogue raisonné de son œuvre gravé, n° 479-503, 535-536, 549-560, 1297-1312 et 1385. - Brunet, Manuel…, I, col. 1491-1492.

Exceptionnelle réunion de trois suites de Jacques Callot, maître virtuose de l’eau-forte.

I. Les Gueux, l’une des suites les plus célèbres de l’artiste. Également nommée Les Mendiants ou Les Baroni (d’après la première planche, titrée Capitano de baroni), elle se compose d’un frontispice (145 x 93) et de 24 planches (environ 137-139 x 86-91). Le frontispice et la planche montrant deux mendiants en haillons sont les deux seules estampes de la série comportant des fonds. Composée vers 1622-1623 à son retour d’Italie, où l’artiste lorrain avait fait son apprentissage puis gagné sa réputation de dessinateur et de graveur, cette suite haute en couleur exprime « admirablement la physionomie de ces malheureux dont la misère n’arrête pas les mauvais instincts, et dont les visages reflètent à la fois la fatigue et la souffrance, l’envie et la colère. […] Aucune suite n’a été plus copiée, plus imitée, de toutes les manières. Non seulement des graveurs les ont reproduits, mais ces personnages ont été sculptés, des peintres les ont imités ; on les a même portraiturés sur des assiettes, des plats, des vases, etc. Leur influence a été considérable et on parlera toujours des Gueux de Callot » (Lieure). Le frontispice, titré Capitano de Baroni, est dans le deuxième état décrit par Meaume avec la mention gravée I. Silvestre ex.cum. Privil. Regis après Iacomo Callot inv. et fec. Israël Silvestre (1621-1691), neveu du peintre Israël Henriet (vers 1590-1661) et ami et éditeur de Callot, avait hérité des cuivres à la mort de son oncle. Il acquit également la part appartenant à la veuve de Callot, probablement vers 1661, et poursuivit les tirages jusqu’à sa mort. Après quelques péripéties, les cuivres échurent à l’orfèvre Fagnani vers 1699, qui les numérota et continua à les imprimer durant le premier quart du XVIIIe siècle. Ils sont aujourd’hui conservés au Musée lorrain de Nancy.

II. La Noblesse, suivie de diverses pièces : 12 estampes sans titre, dont 10 signées Callot (142-145 x 92-94), suivies de 14 estampes provenant de plusieurs séries. « Charmante série de douze eaux-fortes [6 hommes et 6 femmes] nous montrant les costumes des seigneurs et des dames de la lorraine à l’époque de Callot. L’artiste a agrémenté ces compositions en ajoutant des fonds qui représentent des scènes en rapport avec le personnage principal » (Lieure). D’après certains témoignages, Callot et ses meilleurs amis seraient représentés dans cette suite. Les planches, tirées sur un papier vergé filigrané aux armes de Charles IV de Lorraine, sont dans leur deuxième état avec l’excudit d’Israël Silvestre sur la planche du guerrier au chapeau. On a relié à la suite la série de quatre Bourgeoises dans différentes attitudes (première suite), « pièces non chiffrées que Mariette dit avoir été commencées par Callot et qui sont restées inachevées ». On lit sur les quatre morceaux, à gauche : J. Callot in. f., premier état décrit par Meaume (n° 1209-1212). Suivent 3 délicieuses eaux-fortes de petit format, en premier état et portant la mention J. Callot in. f. Il s’agit de « La Dévideuse et la Fileuse » (79 x 66 mm), « Deux dames de condition debout » (79 x 69 mm) et la planche des « Fantaisies » montrant trois femmes portant un panier, un enfant et une hotte (59 x 80 mm). Enfin, ce volume s’achève par la seconde suite des Bourgeoises dans différentes attitudes, série complète de 7 planches « faussement attribuées à Callot et qui sont incontestablement gravées par Israël Henriet » (145-155 x 92-102 mm ; Meaume, 1213-1219). La planche représentant une femme montrant sa jeune fille est dans son deuxième état (sur trois), avec la mention Israël fecit. III. Les Grands Apôtres debout, ornés de beaux fonds historiés. Elle se compose de 16 estampes (139-145 x 88-98 mm), soit : un titre gravé, 3 planches représentant le Sauveur, la Vierge et Saint Paul et 12 planches représentant les Apôtres. Les fonds rappelant un épisode de leur vie et leur martyre, très animés, sont particulièrement remarquables. Le titre porte Salvatoris Beatae Mariae Virginis Sanctorum Apostolorum Icones. A. I. Callot Inventae, Sculptae, et a Israele amico suo in lucem editae. À Paris, Avec Privilège du Roy, de l’année 1631. Les planches sont dans leur deuxième état, avec l’excudit d’Israël et sur certaines le privilège. Lieure précise : « il existe quelques rares épreuves avant l’excudit d’Israël : elles ont été tirées à Nancy avant l’envoi des cuivres à Paris. »
Chaque volume porte en frontispice le portrait de Callot dessiné et gravé par Michel Lasne, placé dans un décor autour duquel s’enroule un animal fantastique retenant entre ses griffes un cartouche aux armes de l’artiste lorrain. Dans le cadre ovale on lit : Lotharingus Calcographus Jacobus Calottus Nobilis An. Aet. Suae 36. 1629, et en pied : MLasne delineavit et fecit. Ce portrait est tiré sur un papier fin filigrané pour le premier volume, sur un papier plus épais pour les deux autres. Les recueils de suites de Callot finement établis au XVIIe siècle sont très rares. Celui-ci, ordonné et relié avec beaucoup de goût par un collectionneur raffiné qui ne nous a pas laissé son nom, a ensuite appartenu à André de Champcourt (vers 1770-1823), officier et poète, chevalier de l’ordre de Saint-Louis, dont les trois volumes portent l’ex-libris. Émigré pendant la Révolution, il rentra en France avec les Bourbons et recouvra une partie de sa fortune. Il a laissé deux volumes de poésies ainsi qu’une Histoire morale de l’éléphant, tirés à petit nombre sur une presse privée. Remarquable et très séduisant ensemble en reliures de la fin du XVIIe siècle, dont deux uniformes. Reliures habilement restaurées, quelques pâles rousseurs.

Provenance :
André de Champcourt, avec ex-libris.
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