Lot n° 93
Sélection Bibliorare

Paul-Louis COURIER (1772-1825) — L.A.S., au quartier général de l’armée de Naples 3 germinal XIII (24 mars 1805), à Pierre-Germain DALAYRAC, propriétaire à Cordes (Tarn)

Estimation : 1000 - 1500 €
Adjudication : Invendu
Description
2 pages et demie in-4, adresse avec marque postale Armée française dans le Royaume de Naples, fentes de désinfection avec légères mouillures. Spirituelles considérations sur le mariage, et sur son séjour comme officier à Naples. [C’est lors de son séjour à Toulouse comme capitaine en 1796-1797, que Courier s’était lié d’amitié avec Pierre-Simon-Charles-Marie Mazars d’Alayrac (1774-1855), alors étudiant en droit. Dalayrac a épousé le 9 décembre 1804 Louise-Cécile d’Ouvrier de Bruniquel.] « Je suis bien faché, mon cher Dalayrac, que vos noces se fassent sans moi. Il faudra les renouveller quand je vous irai voir et même vous auriez bien fait de differer jusque là, car ma presence est necessaire pour que votre mariage soit bon. N’avions nous pas juré de ne point nous marier l’un sans l’autre ? Vous ne pouvez me prevenir, si je n’y consens, et peut-être serai je obligé de me marier aussi pour legitimer vos enfans. Si la demoiselle que vous epousez m’eut été connue, vous me l’auriez nommée. Je m’abstiens de toute conjecture ; mais je ne doute pas que vous n’ayez fait un bon choix ainsi que votre femme. Et quoique votre ainé, j’irai volontiers prendre vos leçons pour apprendre à vivre en menage. Car malgré mon peu de vocation, je crois bien que j’en viendrai là. Depuis notre separation, vous avez du mener une vie assez douce ; et c’est surement faute d’aventures que vous ne me faites aucun recit. Mon histoire à moi, depuis cette epoque seroit longue et fort maussade. Par cette raison je vous en fais grace. J’ai eu à me plaindre des grands, des femmes, de mes amis et de moi-même. J’ai pardonné à tout le monde et gardant toujours la même indulgence, je m’abandonne à la fortune, content qu’elle ne me mette jamais trop haut ni trop bas. Ma position actuelle n’est pas desagreable. Je suis bien payé, peu occupé. Je ne desire rien de mieux. La peste regne aux environs. Mais je suis si sec que je la defie de trouver prise sur moi. Les italiens jaloux nous poignardent quelquefois, mais je suis trop laid pour leur faire ombrage. Les brigands nous depouillent, mais je prends de justes mesures pour n’avoir jamais d’argent. Il ne me manque pour etre heureux qu’un ami comme vous. C’est une chose qui ne se trouve pas deux fois dans la vie. Voila pourquoi si je vis, si je retourne en France, si jamais je suis maître de moi, je fais ici serment de passer avec vous et Rissan deux mois de chaque année. Qui sait même si je ne pourrai pas quelque jour fixer entre vous deux mes penates errants. J’ai fait ce vers sans m’en douter, comme la prose de M. Jourdain. Adieu […] La paix soit avec vous. C’est ce qu’on peut souhaiter de mieux aux gens en menage »… Il signe : « Courier Chef d’escadron commandant l’artillerie à cheval à l’armée de Naples ». Œuvres complètes (Pléiade), p. 685. On joint un portrait dessiné à la plume, et un portrait gravé.
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