Lot n° 11
Sélection Bibliorare

Gustave COURBET (1819-1877) — L.A.S., Jeudi [début juillet 1871 ?], à Victor Considerant

Estimation : 4000 - 5000 €
Adjudication : 6 875 €
Description
4 pages in-8 (traces d’aquarelle sur la 3e page), enveloppe ; cachet de collection Achille Benouville. Superbe lettre à son compatriote et ami Considerant, sur son arrestation, son engagement politique, son activité pendant la Commune, et l’affaire de la Colonne Vendôme. Elle semble inédite.
Une quinzaine de jours environ après son arrestation et être resté une semaine à la Maison de Justice de Versailles, il est de retour à la Conciergerie. « Heureusement, messieurs les militaires ont renoncé à me juger, je passe à la justice civile » ; il va être interrogé par le juge Foulhoux. Il n’est plus au secret et on peut lui rendre visite. Il est revenu « accouplé et menottes aux mains. Il faut tout voir dans la vie. Mon pauvre ami et cousin Max Buchon est venu la chaîne au cou de Besançon à Arbois entre des gendarmes à cheval. Les gens qui désirent la liberté pour tout le monde n’ont pas de chance ». Il a écrit à son compatriote Jules Grévy, qui lui a conseillé de prendre le célèbre avocat Lachaux. « Je crois que maintenant mon accusation ne doit plus porter que sur la Colonne Vendôme, quoique je ne sois pas réellement l’auteur de sa chute ». Il explique comment il a essayé d’empêcher cette destruction, proposant même de transporter la colonne aux Invalides…
« Vous savez, mon cher, que je ne suis d’aucun gouvernement, je suis pour la liberté ». Donc si Henri V revenait, Courbet serait proscrit, « ayant lutté contre les curés, qui selon moi gênent la liberté. […] Si les d’Orléans reviennent, je serai proscrit ayant lutté contre leur père de 40 à 48. J’ai lutté contre les républicains de 48 ; j’ai lutté ensuite contre Napoléon pendant 20 ans, la colonne aidant, je serai à Caienne peut-être s’ils reviennent. Le seul gouvernement que j’ai servi c’est le 4 Septembre, et d’une façon désintéressée ; c’est moi au point de vue des arts qui ai fait tout son ouvrage, et qui ai sauvé nos musées des Prussiens et des Versaillais, et de la guerre civile. C’est ce gouvernement là aujourd’hui qui me fait croupir en prison, qui me déshonore et qui perd mon existence ». Le 18 mars, il commandait 200 employés payés par Versailles, et n’a renvoyé personne. Il a aussi sauvé les tableaux des Tuileries qui, sans lui, auraient brûlé… Et si les socialistes reviennent, il sera également proscrit, comme suspect ; ils ont déjà essayé de le mettre à la prison de Mazas lors de sa démission de la minorité…
« Vous avouerez que je n’ai pas de chance en politique et que la liberté me coûte cher. Dans ce moment-ci tous mes tableaux se pourrissent dans une cave, le gouvernement du 4 septembre m’a pris mon bâtiment qui me servait à mes expositions pour faire des barricades. Mon atelier d’Ornans a été dévalisé par les Prussiens ». Ainsi déconsidéré, il craint de ne plus jamais pouvoir vendre, « tout cela pour avoir voulu faire de la peinture librement, sans avoir jamais demandé ni désiré, ni place ni honneur, ni achats, ni privilèges, je n’ai même pas un tableau au Luxembourg, étant connu dans toute l’Europe. Voilà où mène le désintéressement et la libéralité »…
Il ajoute que, « puisque l’on s’obstine à me rendre responsable de la colonne, j’ai offert de la relever à mes frais en vendant tous mes tableaux dans une vente publique en Angleterre ».
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