Lot n° 6
Sélection Bibliorare

BAUDELAIRE (Charles) — Lettre autographe signée Charles à Alphonse Baudelaire. [Lyon],

Estimation : 3000 - 4000 €
Adjudication : 3 750 €
Description
le 27 au soir [27 décembre 1834]. 2 pp. in-4, adressée et cachetée sur la p. [4] : À Monsieur Baudelaire, Rue d'Anjou N°2 à Fontainebleau. Très précieuse lettre autographe du jeune Charles Baudelaire (1821-1867), âgé de treize ans, à son demi-frère Alphonse (1805-1862), auquel il confie, avec une grande vivacité de style et un certain sens de la théâtralité, les misères de sa vie de collégien à Lyon :
Mon cher frère,
Il y a bien long-temps que je ne t’ai écrit, bien long-temps que tu ne m’as répondu. Tort de part et d’autre, quitte à quitte, et je répare ma faute le premier, attendu que je suis le plus jeune. Rentré au Collège cette année, j’ai pris de bonnes résolutions, et je les tiens…… passablement. Le mal est qu’en étude, bavardant comme je bavarde, je m’attire toujours quelque méchant pensum. C’est maintenant qu’il fait bon à écrire ces maudits pensums, maintenant qu’on a les doigts froids et raides comme du marbre. Il y a encore les arrêts, mon écueil éternel.
L’élève : Eh, dis donc, voisin, prête-moi donc ton devoir afin que je copie.
Le Maître : Monsieur, une demi-heure d’arrêt.
L’élève : Ah ! Vilain !
Le Maître : Monsieur, pour murmurer, vous en ferez le double.
L’élève : Et pourqu……
Le Maître : Triple.
&c., &c., &c., &c., &c., ça mène bien loin quelquefois. Être aux arrêts, c’est être planté comme une statue contre un mur ou contre un arbre, y geler (en hiver) pendant tout le temps que l’exige un tyran.
Mais c’est bien sot de me plaindre du régime du collège ; m’étant bien conduit, qu’ai-je eu à souffrir ? Rien.
Il vaut mieux prendre des résolutions encore plus fermes pour l’année 1835, souhaiter à mon frère tout le bien possible, et comme lycéen lui donner pour étrennes les places de 7e, 4e, 4e, 3e, 2e que j’ai obtenues depuis le commencement de l’année.
Ton frère Charles.
Cette lettre spirituelle du poète encore adolescent est citée la biographie de Claude Pichois et Jean Ziegler.
Rousseurs, petite déchirure due au décachetage sur les 2 ff.
Baudelaire, Correspondance (Pléiade), I, 33 – C. Pichois et J. Ziegler, Baudelaire, 1987, p. 93.
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