In-folio, maroquin citron, quadruple encadrement de doubles filets droits dorés, armoiries dorées au centre, dos à 5 nerfs joliment orné, roulette intérieure dorée, tranches dorées ( Koehler ).
Bechtel, 351/G-356 // Brun, 207 // Brunet, II-1823 // Macfarlane, 101 // Olivier, 619-4 // Renouard, ICP, II-76 // Tchemerzine-Scheler, III-654 // USTC, 13279.
(2f.)-CVIf. / [ ]2, a-r6, s4 / 49 lignes sur 2 colonnes, car. goth. / 183 × 274 mm.
Première et unique édition séparée du premier livre du Roman des trois pèlerinages, illustrée de nombreux bois gravés. C’est également la première fois que le texte paraît en vers, forme sous laquelle il fut initialement composé.
Guillaume de Guilleville, né en Normandie à Digulleville en 1295, fut moine au couvent cistercien de Pontigny-Fille avant d’être prieur à l’abbaye de Chaalis près de Senlis, où il mourut après 1358. On ne connaît de lui qu’un ouvrage, le Roman des trois pèlerinages, sorte de trilogie allégorique sur la question du salut. Le premier livre traite de l’homme durant sa vie, le second de l’âme séparée du corps et le troisième de Jésus-Christ et de sa gloire. Le Pèlerinage de l’homme , première partie de cette trilogie, fut composé en octosyllabes, puis mis en prose par un clerc d’Angers, Jean Gallopez, et publié pour la première fois à Lyon chez Mathias Husz en 1485 sous le titre Le Pèlerin de vie humaine. Le texte connut un grand succès et fut plusieurs fois réimprimé avant que Pierre Virgin, moine de Clairvaux à Chaalis, ne rejette les versions en prose comme mal ordié et de nulle énergie (Tchemerzine), et ne révise le texte pour le rendre en vers et précédé d’un prologue dans l’édition publiée par Vérard.
Comme le relate Virgin dans son prologue :
En la forme quest emende Afin
que puisse profiter
A plusieurs qui lont demande
Pour en vertu sexcerciter
A Paris on la fait porter La
ou il a este par bon art
Imprime sans mettre ne oster
Pour le sire anthoine verard.
On ne sait si Vérard avait prévu de publier la suite, ce qui est probable, le premier feuillet de texte s’ouvrant sur la phrase Cy commenence (sic) le romant des trois pelerinages , mais les deuxième et troisième livres ne virent jamais le jour. C’est la première et unique fois que le premier livre parut en édition séparée. Le texte, en français, est accompagné de nombreux marginalia en latin. Le nom de l’auteur se lit ouvertement en acrostiche dans les lettrines des feuillets q6-r1 : Les lectres de mon nom
/ selon les coupletz qui y sont .
L’ouvrage est illustré d’un beau L grotesque sur le titre (Macfarlane, n° 10) et de 62 beaux bois dans le texte (58 bois différents dont 2 répétés), quasiment tous réalisés pour ce texte et la plupart représentant les différentes rencontres du pèlerin pendant son voyage, c’est-à-dire de l’homme tout au long de sa vie. S’il est souvent accompagné de deux personnages féminins Grace Dieu et Raison , il trouve sur sa route de nombreux dangers sous les traits d’ Avarice, Gloutonie, Luxure, Envie et autres péchés capitaux. Apparaissent également, prêts à faire tomber le pèlerin en leurs pièges, Sathan, Venus sur ung pourcel q chevauchoit , un Nigromancien et divers monstres tels que Seraine ou esbatement mondain , sorcières et démons ayant pour nom Sorcerie, Conspiration , Ire , etc. Le pèlerinage se termine par la mort de l’homme car, comme Grace Dieu le souligne :
Voicy la mort qui de pres test
Qui des choses terribles est La
fin et le terminement
Ta vie tantost faulcher entent
(…)
Et puis ton corps en ung cofin Elle
mectra pour le bailler
Aux vers puans pour le manger.
L’illustration, qui compte également un grand bois représentant la Jérusalem céleste, se complète de nombreuses lettrines xylographiques appartenant à au moins trois alphabets différents floraux et grotesque.
Cet exemplaire a appartenu au Marquis de Coislin, dont les armes sont frappées sur les plats. Il provient auparavant de la bibliothèque de Léon Cailhava, dans la vente duquel figure un exemplaire relié par Koehler en maroquin citron à compartiments , le marquis de Coislin y ayant ensuite fait apposer ses armes. L’exemplaire a ensuite rejoint les bibliothèques Marigues de Champ-Repus puis Fairfax Murray. D’après ce dernier, ainsi que d’après une note à l’encre sur une garde, l’exemplaire proviendrait également de la seconde vente du baron Justin Taylor (1853), mais ce livre n’apparaît pas dans le catalogue ; la première vente du même (1848) comporte bien un exemplaire de ce rare ouvrage (n° 775), mais relié en maroquin rouge de Derome. Il ne peut donc s’agir du même, la vente Coislin ayant eu lieu en 1847.
La reliure, de très belle qualité, présente quelques salissures sans gravité.
Rousseurs à 10 feuillets (d2, d5, e1, e6, k2, k5 et s1 à s4), habile restauration atteignant le texte au feuillet s2 et petite restauration marginale à 3 autres feuillets sans atteinte au texte (titre et feuillets b1 et s3), minime déchirure en pied du feuillet q2.
Provenance :
Léon Cailhava (21-31 octobre 1845, n° 287), W. Martin (? d’après une note de Fairfax Murray), Pierre-Adolphe Du Cambout, marquis de Coislin (armes, 29 novembre-3 décembre 1847, n° 157), Eugène-Gabriel Marigues
de Champ-Repus (ex-libris, 24-25 janvier 1893, p. 34-35, n° 80) et Fairfax Murray (étiquette, n° 643).