Lot n° 159
Sélection Bibliorare

BARBEY D'AUREVILLY Jules (1808-1889). — MANUSCRIT autographe signé « J. Barbey d'Aurevilly », Montechristo, [1881] ; 4 pages in-fol. (31 x 19,5 cm) montées sur des feuillets de papier vélin ; reliure demi-maroquin rouge à coins.

Estimation : 3000 - 4000
Adjudication : 3 900 €
Description
Vigoureuse critique d'Alexandre Dumas.

Superbe manuscrit aux encres noire, violette, rouge et argent, avec de nombreuses ratures et corrections, et des additions interlinéaires. Il a été découpé pour l'impression puis remonté.
On notera que Barbey a commencé par écrire « Montechristo », qu'il a ensuite corrigé en rayant le h.
Cette chronique dramatique, à l'occasion de la reprise de l'adaptation théâtrale du Comte de Monte-Cristo par Alexandre DUMAS et Auguste Maquet, au théâtre de la Gaîté le 12 octobre 1881, avec Louis-François Dumaine dans le rôle-titre, a été publiée dans le journal Triboulet le 17 octobre 1881 ; elle a été recueillie dans
Théâtre contemporain, 1881-1883, dernière série (Stock, 1896, p. 175-184). Elle est divisée en quatre parties.
« Puisque, par ce temps d'anéantissement dramatique, les théâtres ne sont plus guères que des boutiques de marchands de vieux habits, vieux galons, il était fort à présumer qu'on reprendrait celte vieille défroque de Monte-Cristo, qui fut un jour si éclatante [...] Mais ils ont eu beau battre celte immense guenille pour en faire tomber l'implacable poussière du temps, ils ont eu beau la retravailler, la couper, la recoudre, la rapiécer, la vieille défroque n'a retrouvé sous leurs plumes ou sous leurs ciseaux, ni sa forme, ni sa fraîcheur première. [...] Cruelle épreuve rétrospective pour la gloire de Dumas lui-même, qui, chaque jour, du reste, s'enfonce dans le quatrième dessous de son théâtre [...] Un jour viendra, lequel n'est pas loin, où le génie, qui parut gigantesque, de Dumas, sera jeté aussi dans la mer de l'oubli et qu'on ne l'y repêchera plus ! Cet homme si étrangement exagéré vit encore cependant sur l'exagération de sa renommée [...]
Profondément et littérairement, je ne sais pas ce qui lui restera, car c'est, après tout, un amusant, et rien de plus, que ce grand Dumas, qu'on traite déjà avec le sans-cérémonie d'un amuseur, et qu'on appelle le père Dumas, avec l'insolente et caressante familiarité qui tape sur la cuisse de sa gloire. » Et Barbey de rappeler le fougueux Dumas du temps du romantisme : « il fut un faiseur et même un faiseur étonnant de fécondité ! Ce mulâtre, à tempérament avait dans l'esprit, avec la superficialité, non sans grâce, du créole, la faculté d'invention, à fleur de terre, de l'improvisateur »...
La pièce n'a « aucun autre intêrêt que l'intérêt momentané du tableau qu'elle offre et qui passe. [...] quelle construction insensée ! [...] Le ridicule de si grossières inventions, sans lesquelles le drame ne serait pas, n'a choqué personne et a passé sans protestation. Le public de ce temps, dont le seul plaisir est la blague, a trouvé tout simple cette blague compliquée, tant il est accoutumé, depuis de longues années, à trouver charmantes ou puissantes les blagues atroces de son farceur attitré de Dumas ! »...
Les acteurs étaient mauvais ; trois seulement méritent des éloges :
Dumaine, « qui joue le rôle de Danlès, et qui porte et soutient la pièce dans les deux sens, au physique et au moral »... ; un certain Noël, qui joue plusieurs rôles ; et surtout Madame Honorine, « si magnifiquement belle d'énergie »...

PROVENANCE :
Bibliothèque Roger MONMELIEN (ex-libris).
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