Lot n° 99

SIGNAC (Paul) — Lettres à Henri Person, [vers 1900-1926].

Estimation : 20000 - 30000 €
Adjudication : Invendu
Description
Ensemble 78 l.a.s. formant environ 308 pp. à l’encre noire, de format in-8 le plus souvent - certaines sur papier à en-tête de la Société des Artistes Indépendants, présidée par Signac, ou bien de La Hune, sa villa à Saint-Tropez - et 5 cartes postales autographes. Très importante correspondance entre les peintres Paul Signac (1863-1935) et Henri Person (1876-1926), précurseurs du pointillisme, témoignant tant de l’amitié entre les deux hommes que de leurs passions communes : la peinture, la navigation et Saint-Tropez.
Henri Person, né à Amiens dans une famille bourgeoise, fréquente l’École des Beaux-Arts de Paris de 1896 à 1900. Sa présence sur les Salons parisiens est attestée à partir de 1903, date à laquelle il participe à son premier Salon des artistes français ; à compter de 1910, il expose au Salon des indépendants. Au début des années 1900, Person découvre avec émerveillement Saint-Tropez, petit port de pêcheurs où Signac s’est installé dès 1892. Person y demeure alors, logeant son atelier au Château Saint Suffren. Dès lors, la vie comme l’œuvre de Person seront intimement liés à Saint-Tropez, ville d'adoption et port d’ancrage, où il entreprend de fonder, en 1922, un musée d’art vivant : le Museon Tropelen, ancêtre du Musée de l'Annonciade, un projet que Signac contribua à réaliser en l’appuyant de sa notoriété.
Si Paul Signac est de treize ans l’aîné d’Henri Person, plusieurs passions communes réunissent les deux hommes : la peinture, bien entendu, mais aussi la navigation, leur seconde passion, qui va renforcer leur amitié. Ils ont encore en commun l’amour de Saint-Tropez, où ils se sont tous deux ancrés naturellement. Ensemble, ils vont caboter de port en port ou se rendent sur le motif pour peindre côte à côte des travaux qu’ils s’amusent ensuite à comparer. Dès 1905, les œuvres de Person montrent déjà son adhésion à la technique du divisionnisme et l’influence des théories de Signac. En 1906, Henri Person fit l’acquisition du bateau l'Henriette II. L’année suivante, il entreprit avec Paul Signac un voyage à Constantinople, qui marqua une étape importante dans son travail. Les deux artistes possédèrent après ce voyage un bateau en commun, le Sinbad, et entretinrent une correspondance suivie toute leur vie.
Cet exceptionnel ensemble a été conservé dans la famille d’Henri Person jusqu’à aujourd’hui.
Au cours de ces lettres, dans lesquelles la navigation, Saint-Tropez et la peinture occupent une place prépondérante, Signac évoque le Var, ses différents bateaux (le Sinbad, le Balkis, le Ville-d’Honolulu), le yachting et les clubs qu'il fréquente, des voyages navals ou en automobile qu'il a faits, il donne des nouvelles de sa compagne Jeanne et de sa fille Ginette, en demande de Germaine Person et de connaissances communes, de la capitale comme de la Provence, etc.
Signac donne aussi à Person des conseils pratiques sur la technique picturale, émet des encouragements ou des remarques sur le métier de peintre, comme dans ce passage : « Oui, peintre, je voudrais vous voir faire une toile de 100 – ou de 120. Pourquoi me parler de vos anciens Salons ? Il ne s’agit pas de faire une grande toile, pour la surface. Mais je vous vois sortir de vos formats habituels. Cela vous forcerait à introduire : 1° plusieurs centres d’harmonie, 2° une variété plus grande d’éléments, 3° des contrastes plus sensibles, 4° une composition plus cherchée, donc de nouveaux équilibres etc. etc. […] Je me suis toujours très bien trouvé de cet exercice, après quoi je constatais un progrès… fruit d’une conquête, d’un effort nouveaux… » [n°3]. Dans une autre lettre : « Faites une grande toile… 1m50 au moins. Vous verrez quels progrès cela vous assurera – et comme cela vous amusera […] » [n°27].
Dans ce domaine comme dans celui des bateaux, il demande souvent à Person des services : de lui envoyer « un tube de blanc d’argent à l’ambre » [n°13], de lui prêter un cadre pour le Salon des Indépendants ou de lui en faire confectionner un selon des directives précises [n°14], par exemple.
Le peintre néo-impressionniste évoque Henri-Edmond Cross (« de la peinture avec un grand P » [n°4]), Pierre Bonnard, Maurice de Vlaminck et bien d'autres artistes. Il mentionne Cézanne au détour d’une remarque sur son végétarianisme : « Je vous jure que ces fruits atteignent au style, par leur saveur et leur puissance. C’est comme si on admirait un Cézanne. Et quel régal pour le pauvre végétarien que je suis » [n°27].
Deux lettres sont ornées d’un dessin autographe de Paul Signac – un paysage au crayon sur une carte-lettre [n°9] (7 x 11 cm) et une vue à l’encre figurant le Ville-d’Honolulu [n°10] (6 x 13,5 cm), au-dessus duquel il a lui-même écrit : « Ça ressemble à une illustration du Voyage de Bougainville » – et sept autres lettres comportent un croquis de sa main, relatif à la navigation le plus souvent – le chavirement d’un chalutier [n°18], un plan de village [n°55], une barque [n°59], une coupe de la Henriette II [n°66], un canot [n°78], un gouvernail et un fond de cale [n°94], ou deux schémas d’accident naval [n°96].
On joint 6 lettres de Signac (18 pp.) à Germaine Person, l’épouse d’Henri, à cet ensemble, qui comprend donc au total 84 lettres et 5 cartes postales autographes de Paul Signac (environ 326 pages manuscrites). Sont jointes, en outre, une l.a.s. d'Henri Person [n°8], trois l.a.s. de Jeanne Desgrange (1877-1958), la compagne de Signac [nos 100, 101, 104], et une l.a.s. enfantine de Ginette Signac, leur fille [n°105].
9 lettres incomplètes du début ou de la fin (nos 10, 20, 28, 38, 50 bis, 55, 87, 95, 98) ; quelques menus défauts ne gênant pas la lecture, petit trou dans deux lettres touchant un mot [n°58] ou un caractère [n°67].
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