Description
Paris, Jacques Nyverd pour Galliot Du Pré, [vers 1525]. Petit in-folio, maroquin rouge, triple filet doré, dos orné, dentelle intérieure, tranches dorées (Reliure du XVIIIe siècle).Première et très précieuse édition de ce roman de chevalerie, connue à trois exemplaires seulement. Elle n’est pas datée mais le privilège octroyé pour trois ans à Galliot Du Pré, reproduit au verso du titre, est daté du 14 novembre 1525.
Le volume est imprimé en lettres gothiques sur deux colonnes et illustré de 32 belles et grandes figures gravées sur bois, à mi-page le plus souvent, auxquelles s'ajoutent un bel encadrement de titre au nom de Galliot Du Pré et, au verso du dernier feuillet, la marque typographique de Jacques Nyverd.
Le roman de Mabrian forme la dernière partie du cycle épique de Renaut de Montauban, dit aussi des Quatre fils Aymon, qui narre la geste des quatre frères Allard, Renaut, Guiscard et Richard, et de leur cousin Maugis d’Aigremont, sous le règne de Charlemagne. Il s’agit d’une mise en prose d’une chanson de geste bourguignonne de 1462 réalisée avant 1480 par Guy Bounay et Jehan Le Cueur, d’après le prologue de l’édition. Ces deux auteurs ont pris de grandes libertés avec le texte des manuscrits en prose antérieurs, peut-être, avance François Suard, parce qu’ils « ont pu recourir directement au modèle en vers perdu » de la chanson de geste.
Le roman s’attache aux aventures du petit-fils de Renaut de Montauban, le chevalier Mabrian (ou Mabrien). Cette suite de Renaut de Montauban fut très populaire au XVIe siècle, faisant l’objet d’au moins dix éditions à Paris et à Lyon entre 1525 et 1581.
Seul exemplaire connu en mains privées. On ne connaît que deux autres exemplaires de cette première édition : le premier, longtemps considéré comme le seul subsistant, est désormais conservé à la BnF (Rés. M-Y2-896), après avoir fait partie des bibliothèques Hibbert, Heber et Gougy (1934, I, n°175) ; il a les « figures maladroitement coloriées » et était décrit comme « en très mauvais état » dans le Bulletin du bibliophile en 1858. L'autre exemplaire connu est à la British Library (C.34.l.21). Il est relié en maroquin janséniste de la fin du XIXe siècle.
Exemplaire de choix, remarquablement conservé et finement relié en maroquin rouge par un maître français du milieu du xviiie siècle, provenant des bibliothèques Gaignat (1769, n°2292) et Wodhull (1886, n°1644).
Louis-Jean Gaignat (1697-1768) était conseiller-secrétaire du roi et receveur général des consignations des requêtes du Palais ; il fut surtout un des plus grands bibliophiles et amateurs de tableaux du règne de Louis XV, à tel point que le catalogue de sa bibliothèque fut publié par Guillaume-François Debure dit le jeune comme un « Supplément à la Bibliographie instructive », l'imposant répertoire bibliographique dont il avait fait paraître les sept volumes entre 1763 et 1768. À la vente Gaignat, l'exemplaire fut adjugé pour 20 livres à Guillaume Debure dit l'aîné, cousin germain du bibliographe et libraire lui aussi, qui acquit une partie importante de la collection pour le compte du duc de La Vallière. Le présent ouvrage, toutefois, ne lui était pas destiné : La Vallière ne posséda jamais que la seconde édition du roman de Mabrian (1783, II, n°4034).
En effet, fin 1770, notre exemplaire était passé en Angleterre : il figurait dans un catalogue du libraire anglais Thomas Payne (A Catalogue of upwards of twenty thousand volumes… being several libraries lately purchased…, n°799, avec la remarque « eleg. relié en maroq. dorée sur les tranches »). Sur une garde du volume figurent trois annotations manuscrites du libraire : un prix de vente (£3 3s.), une référence bibliographique (Panzer v. 8 p. 94 N°1494) et une note (date end of Privilege on the reverse of the Title).
L’exemplaire fut alors acquis auprès de Payne par le collectionneur Michael Wodhull (1740-1816), dont il porte sur une garde l’ex-libris manuscrit daté Dec. 1st 1770, ainsi que les références Payne’s sale / Bib[liographie] Instr[uctive] N°3811 / & Bibl[iothèque] Gaignat N°2292 et, en fin du volume, la date July 12th 1797. Premier traducteur des œuvres d'Euripide en anglais, en 1782, Michael Wodhull était un des grands bibliophiles britanniques de l’époque, fin connaisseur en particulier des impressions françaises du XVIe siècle. À sa mort, ses livres furent conservés en sa propriété de Thenford House, qu’ils ne quittèrent qu’en 1886, lorsque la famille Severne les offrit aux enchères chez Sotheby’s. L'exemplaire figure dans le catalogue de cette vente sous le n°1644, avec l'indication : « fine copy in red morocco, gilt edges, by Derome... First edition of an excessively rare romance of chivalry in prose. Heber's copy sold for £15 15s. » Il a été adjugé £22 10s.
À l’orée du XXe siècle, l’exemplaire était de nouveau en France, puisqu’il était proposé par Édouard Rahir dans le Bulletin Morgand n°53 (juin 1901, n°40943), avec son numéro d'inventaire sur une garde. Il fut alors acquis par un collectionneur français, dans la famille duquel il est demeuré jusqu'à aujourd'hui.
C'est la première fois que cette précieuse première édition est présentée sur le marché depuis 1953, date à laquelle la BnF a acquis l'exemplaire Gougy auprès de la librairie Charles Bosse.
Sans le feuillet blanc AA6. Dos très légèrement éclairci avec d’infimes frottements, encadrement de titre rogné un peu trop court par le relieur, trou de ver comblé dans la marge des trois derniers feuillets, quelques discrètes rousseurs éparses.
Debure, Bibliographie instructive, III, n°3811 et Supplément, I, n°2292 – Brunet, III, 1264 – Bechtel, R-137 – Moreau, III, n°894 – Woledge, n°143 – Colombo Timelli, e.a., Nouveau répertoire de mises en prose, 736-738, n°1 – USTC 95074.